« Pendant très longtemps, on a sous-estimé la fréquence de la thrombophlébite cérébrale. Mais grâce aux progrès réalisés dans le domaine de l’imagerie, on fait désormais plus facilement la preuve de cette pathologie. Aujourd’hui, on évalue son incidence de 0,5 % à 1 % des AVC, soit 1,32 pour 100 000 habitants (Coutinho, Stroke 2012). Quant à la mortalité, on l’évaluait entre 20 et 50 % dans les années 1950, alors qu’aujourd’hui, on est entre 3 et 6 %. La thrombophlébite cérébrale touche deux à trois plus les femmes que les hommes, avec une moyenne d’âge de 39 ans », explique la Dr Sandrine Deltour, du service des urgences cérébrovasculaires de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.
Les facteurs de risque sont les mêmes que ceux de la thrombophlébite veineuse périphériques, auxquelles s’ajoutent les causes locales, en particulier les infections ORL et stomatologiques. « Ensuite, on peut distinguer trois tableaux cliniques. Le premier, le plus fréquent, est lié à l’hypertension intracrânienne (HIC). Dans 90 % des cas, les patients vont se présenter avec des céphalées diffuses, progressivement croissantes sur quelques jours à quelques mois. Ces céphalées vont être isolées dans 25 % des cas mais elles peuvent être associées à d’autres signes de l’hypertension : diplopie et flou visuel lié à un œdème papillaire », indique la Dr Deltour. « Le deuxième tableau clinique est une présentation liée à une lésion cérébrale focale. Dans ce cas, la thrombophlébite cérébrale s’est déjà compliquée avec un infarctus veineux ou hémorragique et le patient peut alors présenter un déficit neurologique focal ou un déficit neurologique transitoire lié à une crise d’épilepsie. Enfin, le troisième tableau clinique, bien plus rare, est un tableau d’encéphalopathie avec des troubles psychiques ou de la confusion ».
Le mode d’installation est variable. Dans 50 % des cas, il est subaigu, entre deux jours et un mois. Dans 30 % des cas, il est aigu (moins de 48 heures) et dans 20 % des cas, il est chronique avec des symptômes qui sont présents depuis plus de deux mois.
Le diagnostic est difficile. « Il est d’abord suspecté par la clinique mais doit toujours être confirmé par la radiologie. Et on ne peut pas initier un traitement sans avoir une certitude diagnostique. L’examen de référence reste l’IRM et l’ARM veineuse. L’objectif est de mettre en évidence des signes directs, c’est-à-dire de voir le thrombus dans les sinus et dans les veines. Il y a aussi des signes indirects, où l’on voit le retentissement de la thrombose avec la stase veineuse, l’œdème cérébral et l’ischémie veineuse », indique la Dr Deltour, en ajoutant que le scanner cérébral reste un examen de débrouillage. « Il est normal dans plus de 30 % des cas. Quant à l’angioscanner, cela reste une alternative à l’IRM et un examen de deuxième intention ».
Parmi les examens complémentaires, la ponction lombaire présente un intérêt à la fois diagnostique, thérapeutique et étiologique. « Il y a aussi les D-Dimères, que l’on fait souvent aux urgences. Quand ils sont positifs, ils sont corrélés à l’extension de la thrombose. Mais des D-Dimères négatifs n’éliminent pas la thrombophlébite », précise le Dr Deltour.
Une fois diagnostic établi avec certitude, le traitement est à la fois antithrombotique, symptomatique et étiologique. « L’objectif du premier est d’éviter la croissance du thrombus veineux, de faciliter la recanalisation et de prévenir toute complication thrombo-embolique. Aujourd’hui, le traitement de référence reste l’héparine, y compris dans les formes hémorragiques d’emblée. Le traitement symptomatique repose principalement sur les antalgiques et on ne donnera des anticomitiaux qu’en cas de crise d’épilepsie et de l’acetazolamide qu’en cas d’HIC isolée. Le traitement étiologique, lui, visera à traiter la maladie sous-jacente ».
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