« La prise en charge de l’insuffisance cardiaque aiguë (ICA) est devenue de plus en plus fréquente aux urgences ces dernières années, pour deux principales raisons. La première est le vieillissement de la population, la seconde liée aux progrès réalisés ces dernières années dans la prise en charge des patients coronariens. Ces patients meurent moins que par le passé d’infarctus du myocarde, mais gardent souvent des séquelles parmi lesquelles une insuffisance cardiaque », explique le Dr Saïd Laribi, chef de service du SAMU 37 et des urgences au CHU de Tours. « Aujourd’hui, on constate que l’admission de ces patients se fait dans près de 80 % des cas après prise en charge aux urgences. Lorsque l’on analyse les cohortes publiées, on trouve 50 % d’hommes (3) avec un âge moyen supérieur à 70 ans », précise le Dr Laribi.
Ce dernier fait partie d’un groupe d’experts internationaux, ce travail a été coordonné par le Pr Alexandre Mebazaa (CHU Lariboisière). Ce groupe d’experts a été constitué sous l’égide de la Société européenne de cardiologie ; de médecine d’urgence et une des Sociétés américaines de médecine d’urgence.
Le Dr Laribi souligne d’abord que le choc cardiogénique reste peu fréquent aux urgences, de l’ordre de 2 à 3 % des patients en ICA. « Le principal motif de venue aux urgences est la gêne respiratoire avec le plus souvent deux scénarios cliniques. Le premier concerne un patient dont l’insuffisance cardiaque n’est pas connue et qui, vers 3 ou 4 heures du matin, n’arrive plus à respirer avec de l’œdème au niveau pulmonaire. Le deuxième scénario, c’est celui du patient avec une IC chronique qui, présente depuis trois semaines une gêne respiratoire progressive avec prise de poids ».
Après avoir évalué les éventuelles comorbidités (BPCO, hypertension...), le médecin urgentiste va devoir rapidement poser le diagnostic. « Cela va passer bien sûr passer par un examen clinique minutieux. Ensuite, en cas de doute sur la présence ou non d’une ICA, il est recommandé de prescrire un dosage de peptides natriurétiques, BNP ou NT-proBNP. Cela va permettre d’affiner le diagnostic. Si le BNP est au-dessus de 400 pg/ml, il est probable qu’il y ait une IC associée. Dans les recommandations récemment publiées, le dosage des peptides natriurétiques est recommandé pour tout patient ayant une gêne respiratoire et pas seulement en cas de doute diagnostique. Car ce dosage est aussi intéressant pour l’évaluation pronostique. Dans la littérature, on voit de plus en plus de données indiquant que plus le BNP est élevé, plus le pronostic est péjoratif », explique le Dr Laribi, en ajoutant qu’en cas de doute diagnostique, une échographie pulmonaire peut être envisagée.
Dès que le diagnostic d’ICA est confirmé, il faut très vite monitorer le patient et le mettre dans un endroit où l’on pourra surveiller un certain nombre de paramètres : son échelle de dyspnée, sa fréquence cardiaque, sa pression artérielle, sa saturation en oxygène… « Il faut aussi améliorer les symptômes du patient. Dans le cas du scénario 1 (insuffisance cardiaque non connue), on va faire baisser la pression artérielle qui est souvent élevée. Pour les patients en IC chronique, on a souvent recours à des diurétiques pour diminuer la congestion. Ensuite, tout dépend de l’évaluation clinique. Si le cas est très sévère le patient sera orienté vers la réanimation ou l’USIC. Un patient de sévérité moyenne sera orienté vers unité d’hospitalisation conventionnelle, en cardiologie, en médecine interne ou en gériatrie », indique le Dr Laribi.
La recommandation, aujourd’hui, est aussi de prendre en charge les patients en ICA le plus rapidement possible. « Parfois, la prise en charge initiale est faite par une équipe SMUR ce qui peut permettre une admission directe en réanimation ou en USIC sans passer par les urgences ».
A. D.
(1) Mebazaa A, Yilmaz MB, Levy P, et al. Recommendations on pre-hospital and early hospital management of acute heart failure: a consensus paper from the Heart Failure Association of the European Society of Cardiology, the European Society of Emergency Medicine and the Society of Academic Emergency Medicine - short version. Eur Heart J 2015
(2) Mebazaa A, Birhan Yilmaz M, Levy P, et al. Recommendations on pre-hospital & hospital management of acute heart failure: a consensus paper from the Heart Failure Association of the European Society of Cardiology, the European Society of Emergency Medicine and the Society of Academic Emergency Medicine. Eur J Heart Fail 2015
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