Généralistes, pharmaciens comme autorités sanitaires sont unanimes : il faut faire évoluer le système afin d’éviter aux médecins de prescrire des médicaments pour apprendre ensuite, via leurs patients ou les officines, que ceux-ci sont en rupture de stock. Une situation subie qui conduit à les discréditer et porte le risque d’un arrêt de traitement ou d’un switch inadapté.
Le problème est fréquent : avec 1 500 signalements en 2019, un tiers des Français ont été confrontés au moins une fois à une rupture. Et cela devrait continuer à s’aggraver. Toutes les classes thérapeutiques sont concernées, en particulier celles à intérêt majeur, avec des ruptures de 192 jours en moyenne. Les causes peuvent être variées : défaut des outils industriels (15 %) avec un manque d’investissement notamment sur les vieux médicaments, manque de matière première (15 %), augmentation soudaine du volume des ventes (20 %) — comme lors de l’ouverture du marché chinois au Levothyrox —, exclusion de médicaments contrôlés non conformes (9 %), ou autres (25 %) : modification de l’autorisation de mise sur le marché (AMM), arrêt de la commercialisation, logistique…
Au-delà de la rupture elle-même, l’absence d’information est ressentie comme une difficulté majeure : « Dans la majorité des cas nous apprenons la rupture quand nous passons notre commande au grossiste. Et nous n’avons pas d’élément pour en connaître les raisons ni en estimer la durée », affirme Fabrice Camaioni, pharmacien dans les Ardennes, et président de la commission métier à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPS). Une piste : l’ordre des pharmaciens a mis en place un outil fondé sur le dossier patient, qui signale aux autorités et aux laboratoires les ruptures de plus de trois jours. Trois-quarts des officines en sont équipées mais seulement 42 % des laboratoires.
Un système complexe
Quand elle n’a pas été anticipée, la rupture doit être gérée en cherchant du stock chez le patient, via un dépannage des confrères ou du laboratoire ou par la recherche d’une solution de remplacement… mais attention alors à la fois au déséquilibre éventuel du traitement et à l’effet domino de rupture des spécialités connexes (à l’instar de depakote, depamide et depakine). Avec dans tous les cas un impact non négligeable sur le temps d’activité.
Les décrets en cours de concertation pour la loi de financement de la sécurité sociale 2020 devraient renforcer les pouvoirs de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), pour imposer des importations (avec des limites de compatibilité entre les pays) et des sanctions financières aux laboratoires, qui sont en outre tenus de constituer un stock de sécurité de quatre mois. Une première étape pour la feuille de route ministérielle 2019-2022 consacrée à cette question.
L’ANSM est consciente de son rôle de courroie de transmission des informations. « Mais nous ne fabriquons ni ne distribuons les médicaments ! souligne son directeur, le Dr Dominique Martin, agacé des mises en cause de l’agence. En France, le tissu de praticiens est très varié et tous ne sont pas dans nos circuits. Ça a été le parcours du combattant que d’avoir accès aux adresses mails des médecins et un généraliste sur deux ne connaît pas l’ANSM ! » Pourtant, ceux présents à la session réclamaient de recevoir un récapitulatif hebdomadaire des ruptures, concernant uniquement leur spécialité pour qu’il reste digeste, avec des propositions d’équivalences. Le site internet de l’ANSM devrait évoluer en ce sens au cours des prochains mois.
Session ANSM « Médicament non disponible : pourquoi ? Comment gérer ? »
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