« L’addiction à l’alcool fait figure de parent pauvre par rapport aux autres pathologies chroniques, déplore la Dr Christine Maynie-Francois, généraliste à Lyon. Il existe certes des possibilités d’intervention et de traitement, sur lesquelles on ne peut pas faire l’impasse vu l’importance du problème, mais avec une efficacité et un niveau de preuve insatisfaisants. Le besoin d’essais randomisés de qualité en addictologie est criant et tout particulièrement en soins premiers. »
Parmi les divers outils disponibles, les interventions brèves sont recommandées par la Haute Autorité de santé (HAS) et la plupart des sociétés internationales. Malgré l’important corpus de publications, le niveau de preuve reste moyen, et fondé essentiellement sur la consommation déclarée et non sur des critères cliniques de morbimortalité. Les interventions brèves ne sont pas efficaces en cas de troubles de l’usage de l’alcool. On pourrait améliorer l’impact de ces interventions en les répétant et en identifiant les composantes sur lesquelles agir.
En France, les médicaments ayant l’autorisation de mise sur le marché (AMM) sont l’acamprosate, la naltrexone, le disulfirame, le nalmefène ; la question du baclofène n’étant pas encore réglée. Là encore, le niveau de preuve est moyen, et porte uniquement sur la consommation déclarée d’alcool. De grandes métaanalyses montrent une efficacité faible à moyenne dans des essais de qualité médiocre. L’acamprosate et la naltrexone obtiennent les résultats les plus favorables avec une amélioration de la prévention des rechutes de 14 à 17 %. La balance bénéfice/risque du baclofène semble défavorable.
L’approche coordonnée globale centrée sur le patient est délicate à évaluer, son niveau de preuve est moyen mais elle fait mieux que l’accompagnement par un seul professionnel ou une approche fondée uniquement sur la consommation.
L’entretien motivationnel serait plus efficace sur les troubles d’usage de l’alcool que l’absence d’intervention mais avec peu de différence par rapport aux autres prises en charge. Son impact pourrait être amélioré en répétant les entretiens motivationnels et en les accompagnant d’un soutien pharmacologique.
Parmi les psychothérapies, les plus étudiées sont les TCC, avec un niveau de preuve moyen, mais certaines ont l’intérêt de ne pas se limiter à la consommation d’alcool et d’analyser aussi les problèmes liés aux divers types de consommation.
Il ne faut pas hésiter à proposer aux patients des recours extérieurs comme les Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) ou les associations d’entraide. Leur efficacité est délicate à juger du fait d’un biais de sélection et ne serait pas supérieure aux autres interventions.
Session « Consommation à risque et trouble de l’usage d’alcool, opter pour l’evidence based practice », co-organisée avec Santé Publique France À lire : « Prendre en charge un patient ayant un trouble de l’usage de l’alcool en médecine générale ». Exercer 2019;152:175-81
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