DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE
LE SECRET de la longévité chinoise tient à peu de chose. Du thé vert, de l’amour, de la bonne humeur. Mais pour une jambe cassée, il n’y a guère d’alternative au médecin. Une seule adresse : l’hôpital. Il faut se lever tôt. Puisque les rendez-vous n’existent pas, c’est la règle du premier arrivé, premier servi. Les files d’attente devant les hôpitaux au petit matin sont une scène de la vie quotidienne. Surtout, ne pas oublier son porte-monnaie. Il faut verser une première liasse de billets avant la consultation. Une deuxième pour les médicaments. Une troisième, sous la table celle-là, pour obtenir un petit passe-droit.
Les dépenses de santé, 11,8 % du budget familial en 2007, sont devenues la première préoccupation des Chinois. La première cause de pauvreté, aussi – un point commun avec les États-Unis. Réformer le système de santé est une urgence sociale pour le gouvernement chinois, autant qu’un casse-tête. Une enquête nationale a mis le feu aux poudres en 2003. Les deux tiers des Chinois urbains ont déclaré avoir refusé une hospitalisation en raison de son coût. Chez les ruraux, le taux atteint 75 %.
Le plan adopté en 2009 (850 milliards de yuans – 91 milliards d’euros – d’ici à 2011) vise à établir dare-dare un accès aux soins pour tous (« le Quotidien » du 23 avril). Plusieurs promesses ont donc été faites. La construction de 2 000 hôpitaux de district et 5 000 cliniques communales dans les zones rurales. L’augmentation du nombre de médecins formés. L’encadrement des prix des médicaments de base (objets d’un juteux trafic). L’incitation à l’exercice multisite pour lutter contre les déserts médicaux. La mise en place de consultations sur rendez-vous dans un millier d’hôpitaux pour réguler le flux de patients. L’instauration, à plus longue échéance, d’une tarification à l’activité dans les établissements de santé (une classification commune des actes médicaux est en cours de construction).
Un programme d’expérimentations sera bientôt lancé dans seize villes chinoises pour réformer l’hôpital public (en partenariat, peut-être, avec les CHU français). Un pari qui laisse septique nombre d’observateurs y compris chinois. Car comment mettre fin au règne des enveloppes rouges empochées à tous les étages ? Les principaux freins à la réforme se trouvent dans l’enceinte même des hôpitaux, estime l’éditorialiste Huang Lin*.
C’est donc à une période charnière que « le Quotidien » s’est rendu en Chine. Étape en Mongolie intérieure pour le congrès annuel des cliniques privées chinoises. L’occasion de constater que la Chine, officiellement toujours communiste, mise beaucoup sur l’essor de l’hospitalisation privée. La Fédération de l’hospitalisation privée française (FHP), invitée d’honneur de l’événement, entend jouer sa carte dans l’empire du Milieu : des jumelages entre cliniques chinoises et françaises sont en cours. « Le Quotidien » a poussé la porte de plusieurs hôpitaux à Pékin, Shanghai, Suzhou. Les éditions ultérieures relateront les rencontres avec des internes français en stage en Chine, des médecins chinois aux conditions de travail stupéfiantes, des médecins français intéressés par l’idée d’un jumelage, tel Jacques Caton, chirurgien orthopédique lyonnais, parti en Chine pour découvrir la qualité des implants et les techniques d’anesthésie employées. Une clinique orthopédique à Pékin lui a ouvert grand ses portes. La surprise a été au rendez-vous. Rencontre aussi avec le Dr Michel Martin, obstétricien français en immersion totale depuis quelques mois à Pékin. Le Dr Martin, recruté pour gérer la maternité de Yanda, un hôpital privé dont l’ouverture a été retardée, profite de ce temps mort pour découvrir les us et coutumes locales. « Les Chinois ne savent pas utiliser les forceps. Et ils ont la césarienne facile », s’étonne-t-il. Son hôpital ultra moderne n’a rien à envier aux hôpitaux occidentaux. La Chine de l’Ouest, elle, doit se contenter d’une médecine moyen-âgeuse. Pour combien de temps encore ? La conquête de l’Ouest, en tout cas, est lancée.
* Voir l’article de l’hebdomadaire « Liaowang Dongfang Zhoukan » traduit par le hors-série spécial Chine de « Courrier international », en kiosque actuellement.
« NOUS DEVRIONS INTRODUIRE UN SYSTÈME ADAPTÉ ET JUSTE DE SÉCURITÉ SOCIALE POUR TOUS LES CITOYENS, ET ASSURER L’ACCÈS DE TOUS À L’ÉDUCATION, À LA SANTÉ, À LA RETRAITE ET AU TRAVAIL ». EXTRAIT DE LA CHARTE 08 SIGNÉE PAR LIU XIAOBO, PRIX NOBEL DE LA PAIX.
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