DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE
VINGT-QUATRE postes informatiques séparés par une cloison de verre, des personnes équipées d’un casque avec micro. Ce n’est pas un laboratoire de langues, mais bien le centre de régulation du centre 120 de Shanghai. Au mur, un écran gigantesque avec la carte de la ville, et des points clignotant qui localisent les ambulances en temps réel grâce au GPS embarqué. « Ça en jette, n’est-ce pas! », s’amuse le Dr Pierre Carli, patron du SAMU de Paris, et habitué des lieux puisqu’un partenariat relie le centre 120 de Shanghai et le SAMU 75.
Bien sûr, il faut distinguer Shanghai (et Pékin) du reste de la Chine. Le centre 120 y est mieux organisé, mieux équipé. La ville compte 500 camions – un pour 40 000 habitants – criants de modernité (appareil respiratoire, oxygène, trocarts, défibrillateur, ECG, atèles, cathéters...). La majorité des véhicules ont un médecin à bord. Près de 430 000 sorties ont été effectuées en 2009, avec un temps moyen d’intervention de douze minutes entre l’appel et l’arrivée du camion. La structure est indépendante. « Ailleurs en Chine, l’organisation est différente : c’est l’ambulance de l’hôpital qui fait la sortie », indique Lu Feng, vice-directeur du centre de régulation.
Dans un couloir s’étalent des photos d’ambulances en file indienne dans un paysage dévasté : le centre 120 de Shanghai avait envoyé ses troupes dans le Sichuan après le séisme de 2008. Les refus de soins faute d’argent ? Lu Feng assure qu’il n’en est pas question pour les urgences. « Notre mission première, dit-il, c’est de soigner le patient. Pas de gagner de l’argent. » Le reste à charge moyen pour le patient est d’environ 150 yuans après une intervention du centre 120 (16 euros). Et 700 yuans (75 euros) s’il y a réanimation. « Si le patient n’a pas d’argent, on lui envoie le camion et il ne paye pas », complète le Dr Xie Jiong, chef du service des premiers secours. La note est alors réglée par les autorités locales. Avec un taux de croissance à 18 %, la ville de Shanghai a les moyens.
Le choix du modèle français.
Le SAMU shanghaien a choisi une organisation à la française, avec prise en charge sur la voie publique, plutôt que des transferts à l’américaine. « Mais nous ne sommes pas aussi avancés qu’en France : nous avons un problème de coordination entre les équipes », expose Lu Feng. C’est là qu’intervient le SAMU de Paris : « Nous les aidons à bâtir des filières de soins, relate Pierre Carli. Nous participons aussi à la formation médicale. La technologie dans les camions est au top mais les médecins, jeunes et souvent inexpérimentés, ne savent pas forcément s’en servir ». Depuis 2004, date de sa première venue en Chine, le Pr Carli compose avec une autre réalité. « Ici, dit-il, après un pas en avant, il y a systématiquement un pas en arrière. Quand le patron du centre 120 de Shanghai a été débarqué, probablement à cause de malversations financières (les enveloppes rouges sont partout), on a dû tout recommencer. » Les péripéties passent, le partenariat demeure. « Il y a une grosse demande sur les transports héliportés : la Chine n’a pas d’hélicoptère sanitaire », remarque Pierre Carli.
Pékin a mis ses urgences à niveau avant les Jeux Olympiques grâce à l’envoi d’internes chinois en France (« le Quotidien » du 5 juin 2008). La capitale chinoise, comme Shanghai, est aujourd’hui le siège d’une mission française de formation à la médecine d’urgence. Et ailleurs dans le pays ? Un Chinois sur deux vit à la campagne. Comment l’AVC y est-il pris en charge, médicalement, et financièrement ? « Je l’ignore complètement, confesse Pierre Carli. Mais ce qui est sûr, c’est que les autorités veulent réorganiser les urgences partout en Chine pour construire des filières. Il y a une prise de conscience au plus haut niveau que les urgences sont un maillon capital pour maintenir la paix sociale. »
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