IMPOSSIBLE de s’assoupir. Li Yongming, patron du bureau de la santé de la ville d’Ordos et secrétaire général du PCC local, est à la tribune. D’une voix énergique, il tient son public en haleine. « Le besoin médical augmente : nous devons décharger le gouvernemental central de ce poids », lance-t-il aux médecins et aux directeurs de cliniques venus des quatre coins de Chine pour l’événement.
Cette année, et c’est un honneur, le numéro trois du ministère de la Santé a fait le déplacement. M. Yang est planificateur pour le gouvernement. « Deux cents millions de Chinois n’ont pas de Sécurité sociale. Nous sommes en train de faire la même chose que Barack Obama, dit-il. C’est très important pour nous. Notre objectif pour 2012, c’est que 80 % des Chinois aient un minimum de Sécurité sociale et de soins. » « Tous les Chinois sont égaux », précise M. Yang. Une déclaration lourde de sens, à l’heure où se creusent les inégalités. La prévention ? Une urgence. M. Yang, pince-sans-rire, titille son public. « Les gens à Ordos adorent boire. La dernière fois que je suis venu, les gens buvaient une bouteille de Baijo [l’alcool de riz local] et ils ne pouvaient plus tenir debout ». L’organisation des soins doit également être repensée. « Nous avons besoin d’aller voir les Français pour observer comment ils fonctionnent, indique M. Yang. Il y a un siècle, les étrangers sont venus pour établir le premier hôpital. À nous, maintenant, de sortir de nos frontières. »
Prenant à son tour la parole, Zhang Wanrong, président de la fédération des cliniques privées à Ordos, donne dans la métaphore. « L’aigle impérial peut vivre 70 ans, mais à 40 ans, ses ailes deviennent trop lourdes pour voler. Il ne peut plus attaquer les petits animaux. Il a alors deux solutions. Mourir de faim, ou trouver de nouvelles ailes pour continuer à voler. Aujourd’hui, les hôpitaux privés souhaitent avoir une deuxième vie. Ils veulent se transformer en hôpitaux modernes, spécialisés, compétitifs comme à l’étranger, pour vivre 100 ans, 200 ans. »
« C’est le printemps pour nous ».
Une pause dans les débats, le temps de flâner sur les stands. En exposition, des seringues, des cathéters, des gants en latex. Plus exotique, cette bière au lait de vache (mongole) ou ces flacons pleins d’un élixir de jeunesse, à la notice 100 % chinoise. Tout aussi mystérieuses, ces électrodes reliées à une encombrante machine garderont intact leur secret : l’homme qui assure la démonstration, les électrodes collées au front, ne dit mot et garde les paupières closes, comme hypnotisé.
À la reprise des débats, les dirigeants de cliniques se succèdent à la tribune. Chacun prononce un discours optimiste pétri de bons sentiments. Yang Jian, président d’une clinique dentaire : « Notre secteur ne devrait pas demander le maximum de profit ni faire de fausse publicité. » Cet autre P-DG : « Gagner de l’argent, ce n’est pas très important pour nous. » Ce troisième : « Les médias racontent n’importe quoi. Nous luttons contre les enveloppes rouges [les dessous de table, NDLR]. Le plus important pour moi, c’est d’avoir un management honnête. » Zhang Xuyong dirige une clinique ophtalmologique depuis vingt ans. Il insiste sur la dimension sociale de sa prise en charge. « Nous opérons gratuitement la cataracte des personnes âgées qui ne peuvent pas payer. Nous avons créé un hôpital juste qui offre le meilleur service au patient. Nous voulons maintenant créer notre groupe, avoir une marque reconnue. Et pourquoi pas, un jour, être coté en bourse. »
C’est à Madame Li que revient le mot de la fin. Elle raconte un échange récent avec le vice-Premier ministre, Li Keqiang, au sujet de la réforme médicale. D’où il ressort que les cliniques chinoises ont devant elles un boulevard. « Monsieur Li [le vice-Premier ministre] a dit qu’il compte sur l’hospitalisation privée. Il a même demandé que le privé devienne plus important que le public. C’est comme le printemps pour nous ! », s’enthousiasme Madame Li, sous des applaudissements nourris.
› DELPHINE CHARDON
Le Quotidien du Médecin du : 02/11/2010
Les appétits dévorants du secteur privé chinois
Un hôpital sur cinq est une clinique privée
Publié le 01/11/2010
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Chine, hôpital Mongolie
Crédit photo : Delphine Chardon.
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Source : lequotidiendumedecin.fr: 20101101
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