MYLÈNE, la Française, débute son internat. Chantal (un prénom d’emprunt choisi par ses soins), la Chinoise, est en 6e année de chirurgie viscérale. Leurs routes se sont croisées cet été à Shanghai : Mylène, après avoir passé les épreuves classantes nationales, a voulu voir de ses yeux le niveau médical de la première puissance asiatique. Elle a décroché un stage au sein du prestigieux hôpital Ruijin, en chirurgie micro-invasive. Les deux jeunes femmes ont formé un binôme deux mois durant. Pour « le Quotidien », elles ont accepté, le temps d’une pause, de croiser leurs regards sur leur système de santé respectif (Chantal parle couramment français).
Peu de commentaires s’agissant de la technique et du matériel : l’hôpital Ruijin fonctionne comme la crème des hôpitaux européens. Mylène s’étonne en revanche des rapports médecins-malades. « J’ai remarqué qu’il n’y a pas beaucoup de secret médical ici, observe Mylène. Les chambres sont à deux, quatre ou six lits. Tout le monde sait ce qu’a le voisin. Le patient ne semble pas écouté de la même façon. En France, le patient participe au choix thérapeutique. On respecte sa décision s’il ne veut pas de chimiothérapie. » Chantal acquiesce : « En Chine, on dit toujours à la famille que le patient a un cancer, mais on ne le dit pas forcément au patient. En revanche, on dit systématiquement quelles peuvent être les complications. »
Un bon chirurgien chinois ne se contente pas de manier le bistouri avec talent. Il doit aussi savoir s’entourer de mille précautions. « On fait signer une feuille au patient avant chaque acte comportant un risque de complication. Si le patient refuse de signer, on ne fait pas l’acte », expose Chantal, qui, chaque jour, voit son chef de service pratiquer de la sorte. Mylène avait entendu parler des refus de soins faute d’argent. Malgré leur niveau de vie élevé, certains Shanghaiens n’ont pas les moyens de payer cash les 30 000 yuans (3 300 euros) requis pour une pancréatite, par exemple. Les refus de soins faute d’entente préalable surprennent davantage l’interne française. Chantal s’explique : « C’est rare qu’un patient ne puisse pas payer. Le principal problème, dans les hôpitaux chinois, ce n’est pas l’argent. Ce sont les exigences des patients, qui veulent tout savoir, et doutent de tout. Ils s’opposent souvent aux examens prescrits. Nous devons nous battre avec eux pour expliquer nos choix. Les médecins doivent avoir beaucoup de patience! »
Article précédent
La Chine avare du bistouri
Article suivant
La lutte contre la corruption médicale : une longue marche
L’hôpital de Yanda : 40 blocs, 2 000 lits
En Chine, le métier ne fait plus recette
La Chine avare du bistouri
Les droits du patient, notion balbutiante en Chine
La lutte contre la corruption médicale : une longue marche
Dans la peau des patients chinois
Standards européens, organisation chinoise
Roselyne Bachelot : « On est dans un autre monde »
Les CHU bientôt à la rescousse des hôpitaux chinois
Un hôpital sur cinq est une clinique privée
Bienvenue au centre 120 de Shanghai
Le chantier monstre de la santé chinoise
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature