Les avancées dans le domaine « des » diabètes se succèdent depuis quelques années, fruit de longues années de recherche débouchant aujourd’hui sur des solutions pratiques déterminantes. On pense d’abord à l’aboutissement des capteurs de glucose, qui ont changé la qualité de vie des patients et, couplés aux pompes à insuline, aux systèmes de boucle hybride maintenant opérationnels qui révolutionnent la prise en charge des sujets vivant avec un diabète de type 1 (DT1). On pense aussi aux spectaculaires avancées thérapeutiques du diabète de type 2 (DT2), retombées des recherches de physiopathologie : iSGLT2, arGLP-1, puis bi et tri-agonistes GIP/GLP-1/glucagon, qui ont enfin enrichi et diversifié les stratégies thérapeutiques.
Après les gains, les questions
Mais les recherches sur le DT1 comme le DT2 font désormais face à de nouvelles frontières, énigmes mais aussi espoirs. Ce qu’on étiquette si fréquemment dans notre quotidien comme « DT2 » s’avère en réalité difficile à classer, dès qu’on en analyse de près les particularités. Très vite, le besoin va s’imposer de mieux caractériser et démembrer cette entité trop vaste qu’est l’ancien « diabète non insulinodépendant (DNID) ». Âge d’apparition, IMC, risques de complications, degré d’insulinorésistance et d’insulinosécrétion, réponse aux antidiabétiques : autant d’éléments parfaitement hétérogènes, et cela encore davantage quand on se penche sur les ethnies non caucasiennes, en particulier asiatiques ou noires africaines. Quid des diabètes africains, des « DT2 » obèses apparus dès l’adolescence, des DT2 tardifs sans surpoids ? D’un simple coup d’œil, le clinicien attentif remarque que nombre de DT2 sont en réalité très proches du DT1, Lada ou non. Ce chantier de classification minutieux ne fait que commencer.
Le chantier de classification ne fait que commencer
Dans ce dossier, Étienne Larger aborde certaines de ces questions sous l’angle de la génétique et de l’épigénétique (lire p. 38), en rappelant que les travaux du Pr Leif Groop visant à distinguer cinq catégories de DT2 ne sont pas réplicables partout : 20 % des patients de son propre service y apparaissent comme mal classés !
Soulignons aussi que les essais portant sur les nouveaux traitements n’incluent pas toujours de populations représentatives de l’ensemble des pays touchés (Asie, Afrique)… tandis que les recommandations ADA-EASD qui s’y appuient sont présentées comme mondiales ! Sans oublier l’absence d’accès aux antidiabétiques et à l’insuline dans de nombreux pays !
Le défi de l’incidence
Pour ce qui est du DT1, en 2021, on comptait 8,4 millions de cas, avec une incidence croissante dans beaucoup de pays (+ 4 % par an en France). De nouveaux enjeux en découlent : il faut pouvoir retarder voire prévenir durablement l’apparition biologique (dysglycémie), puis clinique du diabète (overt diabetes). Cela importe d’autant plus que le contrôle métabolique ultérieur dépend de l’âge d’apparition du DT1. Dans une cohorte suédoise, le risque de développer une maladie coronarienne est multiplié par 30 si le DT1 se déclare avant l’âge de 10 ans, avec une forte réduction de l’espérance de vie (- 17 ans). De même, la survenue d’une acidocétose inaugurale est péjorative.
Toutes ces données plaident pour un diagnostic précoce de la maladie, dès le stade préclinique, afin d’en retarder l’apparition à l’aide des traitements en commençant par les sujets plus à risque, à savoir les populations génétiquement plus exposées, apparentées de DT1.
On décrit trois stades prédiagnostiques, de durées très variables : au stade 1, il y a auto-immunité asymptomatique avec au moins deux auto-anticorps [IAA, GAD, IA-2, ZnT8] sans anomalie glycémique ; au stade 2, la dysglycémie est identifiable (HGPO) ; au stade 3, l’hyperglycémie apparaît. Les recherches s’orientent aujourd’hui vers l’usage de traitements immunomodulateurs, dont le chef de file, le téplizumab, a permis de réduire le déclin du peptide-C chez des sujets au stade 3. Pour les patients traités au stade 2, les premières données montrent un recul du passage au stade 3 de deux à cinq ans. D’autres immunomodulateurs auraient des effets plus favorables.
Des antiviraux ou des protecteurs de la cellule ß sont aussi à l’étude. Nous sommes bien à l’orée d’une nouvelle ère pour les deux grandes formes de diabète.
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