Alors que le nombre de personnes atteintes de diabète augmente dans les pays africains, l’accès à l’insuline reste problématique à plusieurs niveaux. Elle est peu disponible en périphérie des grands centres et, quand elle l’est, son prix constitue un obstacle pour les patients dans la plupart des pays à revenu faible ou intermédiaire. À cela s’ajoutent des ruptures d’approvisionnement qui peuvent durer plusieurs mois.
« Nous avons également l’impression que les laboratoires privilégient les nouvelles insulines, présentées en stylos et cartouches (bien plus chères), au détriment des présentations flacons et seringues, les plus utilisées en Afrique. On craint que, dans quelques années, il n’y en ait plus », dénonce le Pr Joseph Drabo (Burkina Faso).
Les laboratoires boudent les formats flacons
Pr Joseph Drabo
« Le diabète commence à être une pathologie très fréquente en Afrique, et invalidante par les complications qu’elle entraîne. Nous avons besoin de traitements oraux et aussi d’insuline, explique le spécialiste. Car les enfants sont de plus en plus touchés. Au Burkina Faso, nous traitons environ un millier d’enfants et de jeunes adultes atteints de diabète de type 1 (DT1). Il en est de même dans les pays proches, comme le Mali, la Guinée… »
Responsabilité des États
« Pour l’instant, il n’y a pas eu d’action gouvernementale générale dans nos pays pour favoriser l’accès à l’insuline », déplore le Pr Drabo. On peut citer l’exemple isolé du Sénégal, où l’insuline est subventionnée par l’État, ce qui la rend abordable pour les patients, et où elle est deux fois moins chère que dans les pays voisins.
Actuellement, les actions proviennent essentiellement des organisations non gouvernementales (ONG) et de projets adossés à des laboratoires… Des programmes comme « Life for a Child » ou « Changing Diabetes in Children » ont été conçus pour favoriser l’accès au traitement du diabète aux enfants atteints de DT1 dans les pays les plus pauvres du monde ; ils fournissent du matériel pour l’insulinothérapie.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère le diabète comme une des quatre maladies non transmissibles prioritaires, après les cancers, les maladies cardiovasculaires et les maladies respiratoires chroniques. « Il y a des actions en cours mais il faut vraiment que ce soit les États qui s’engagent et s’emparent du sujet », insiste le Pr Drabo.
Comme avec le VIH/sida
On peut mettre en parallèle le combat contre le diabète avec celui, mené il y a quelques années, pour l’accès aux traitements contre le VIH/sida. Au début, les pays de l’hémisphère Sud n’avaient pas accès aux antirétroviraux. Il a fallu la mobilisation de la société civile, des patients qui se sont engagés et ont manifesté contre l’iniquité de l’accès aux soins, pour que cela change et que soit créé un Fonds mondial de lutte contre le sida, pour la mise à disposition des médicaments.
« Il faut parvenir à faire comprendre toute l’ampleur du problème du diabète. Il pèse sur la santé publique avec un poids économique, social, démographique, etc., comparable au sida, insiste le Pr Drabo, qui rappelle que, pour mettre à disposition des médicaments antirétroviraux partout dans le monde, il a fallu réfléchir à des protocoles de traitement simplifiés. Il faut commencer à faire la même chose pour les antidiabétiques, et harmoniser les pratiques. »
Il faut commencer à réfléchir à des protocoles simplifiés
Pr Joseph Drabo
Les pays pourraient aussi se regrouper pour fabriquer et avoir des mécanismes d’approvisionnement groupés, après avoir bien évalué les besoins (problème de conservation de l’insuline…). « L’équité internationale doit être la règle de base : les traitements efficaces doivent être disponibles et accessibles partout », souligne le spécialiste.
Entretien avec Pr Joseph Drabo (Burkina Faso)
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