État digestif chronique caractérisé par une vidange gastrique retardée, sans obstruction mécanique (vérifiée par endoscopie digestive), la gastroparésie reste trop souvent méconnue et donc non traitée. Dans les deux tiers des cas, elle vient compliquer une chirurgie digestive avec section du nerf vague, une maladie de Parkinson, une myopathie, une sclérodermie, etc. Mais, pour un tiers, elle est d’origine diabétique. « Cette atteinte digestive neuropathique touche 5 % des patients avec un diabète de type 1 (DT1) et 1 % de ceux avec un diabète de type 2 (DT2), souvent après vingt ans d’évolution (0,2 % dans la population générale). Mais, en structure de soins tertiaire, sa prévalence peut atteindre 40 % des DT1 et 20 % des DT2 », précise le Pr Bruno Guerci (CHRU Nancy).
Le statut nutritionnel est trop peu réalisé
Pr Bruno Guerci
Un score d’orientation
Les symptômes ne sont pas spécifiques : les plus fréquents sont les nausées, les vomissements, les ballonnements post-prandiaux, une satiété précoce, une plénitude gastrique, parfois des douleurs épigastriques. « Ils peuvent conduire à une perte de poids progressive, voire à une dénutrition (carences en vitamine D, B12, fer, etc.) et à une déshydratation. Or, même quand la gastroparésie est connue, le statut nutritionnel n’est pas réalisé dans 80 % des cas », regrette le Pr Guerci.
Il existe un score d’orientation simple – le Gastroparesis Cardinal Symptom Index (GCSI) – en neuf questions, que le patient remplit selon les symptômes qu’il a pu présenter au cours des deux dernières semaines. Il s’échelonne de 0 à 5. « Au-delà de 2 à 2,5, il y a une suspicion de gastroparésie et, au-delà de 3, il peut s’agir d’une forme sévère. Le diagnostic positif repose sur la scintigraphie de la vidange gastrique », indique le Pr Guerci.
Une prise en charge par étapes
Lorsque la gastroparésie est avérée, certaines mesures simples doivent être prises : fractionner les repas, opter pour des repas semi-liquides plutôt que solides, éviter la consommation d’aliments riches en lipides, proscrire le tabac et l’alcool, traiter une constipation. « Équilibrer le diabète est indispensable. D’abord parce qu’à long terme, un diabète mal équilibré fait le lit de la gastroparésie. De plus, en aigu, l’hyperglycémie ferme aussi le pylore ! », souligne le Pr Guerci.
La prescription d’antiémétiques/prokinétiques oraux (dompéridone, motilium, etc.) est limitée dans le temps, et son efficacité est relative. Une cure de cinq jours d’érythromycine en IV directe lente (hors AMM) peut être envisagée, pour accélérer la vidange gastrique. De nouveaux médicaments oraux sont en développement comme le prucalopride, le naronapride, le tégaserod, le velusetrag (agonistes 5-HT4 déjà donnés contre les vomissements en cas de chimiothérapie) ou la rélamoreline en injectable, agoniste des récepteurs de la ghréline.
L’étape suivante est le recours à la complémentation nutritionnelle orale (CNO). Si cela ne suffit toujours pas, il peut être proposé une nutrition artificielle transitoire, par sonde nasojéjunale, pour shunter l’estomac, voire une jéjunostomie ou même une nutrition parentérale.
Autre solution : une pyloromyotomie endoscopique, pratiquée par un gastro-entérologue au cours d’une endoscopie, pour rendre le muscle du pylore un peu plus lâche (traitement du pylorospasme). « La neurostimulation gastrique est réservée à des formes plus sévères (avec nausées et vomissements retentissant sur l’état nutritionnel), avec vidange gastrique très altérée (plus de 35 % d’aliments encore présents après quatre heures à la scintigraphie). Enfin, dans les situations extrêmes, une gastrectomie est parfois nécessaire », explique le Pr Guerci.
Entretien avec le Pr Bruno Guerci (CHRU Nancy)
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