Avec le retour prochain des beaux jours, les chercheurs s'interrogent toujours sur le vecteur par lequel le virus Zika pourrait faire son entrée en Europe. Selon les résultats de recherches menées à l'Institut Pasteur, le moustique Aedes aegypti, présent à Madère, est plus enclin à soutenir une transmission qu'Aedes albopictus, ce qui suggère des risques épidémiques limités en Europe ou l'Aedes aegypti est peu présent.
Ces travaux ont été communiqués en ouverture d'un colloque sur le virus qui se tient à l'Institut Pasteur de Paris du lundi 25 avril au mardi 26 avril. Ils sont le fruit des efforts de l'équipe d'Anna-Bella Failloux, responsable du laboratoire « Arbovirus et Insectes Vecteurs » de l'Institut Pasteur, qui ont évalué la compétence vectorielle de deux populations d'Aedes aegypti et de deux populations d'Aedes albopictus.
Une fois dans le système digestif d'un moustique femelle, le virus Zika met 14 jours à atteindre la salive de femelle Aedes albopictus contre 9 jours pour une femelle d'Aedes aegypti. « Ce sont des délais très longs qui suffisent à réduire considérablement le risque de transmission à l'homme, explique Anna-Bella Failloux, à titre de comparaison, le virus du chilkungunya ne met que 3 jours à se retrouver dans la salive des femelles. »
La menace du moustique commun
« Le grand débat actuel, c'est de comprendre comment une épidémie aussi importante a pu avoir lieu dans les Caraïbes et en Amérique du Sud en s'appuyant sur des vecteurs aussi médiocres », poursuit Anna-Bella Failloux. Il existe deux réponses possibles et non mutuellement exclusives : soit la conjonction d'une forte population humaine et d'une forte population de moustiques a compensé la faible transmissibilité du virus soit… c’est un autre vecteur qui est en cause. Cet autre vecteur pourrait bien être le Culex pipiens, ou moustique commun également surnommé « moustiques de l'eau sale », présent dans sur tous les continents, jusque dans le métro parisien. « Nous avons entrepris des recherches sur sa compétence vectorielle et devrions bientôt publier des résultats. S'il s'avère qu'il transmet bien le moustique, cela changerait complètement la donne quant à une possible extension de l'épidémie en France », conclut Anna-Bella Failloux.
« Il faut bien prendre conscience que le moustique qui fait émerger un virus n'est pas forcément celui grâce auquel il va se répandre dans la population humaine », complète Frédéric Simard, directeur de l'unité mixte de recherche maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle, (MIVEGEC, IRD France-Sud à Montpellier).
L'Afrique menacée
L'Afrique, où le virus Zika a été décrit pour la première fois en 1947, pourrait aussi être le prochain terrain de chasse de la souche asiatique qui circule actuellement. Une épidémie a d'ailleurs déjà eu lieu au Cap Vert, avec des cas de microcéphalie, et « est en phase décroissante, comme au Brésil et en Colombie », a expliqué le Dr Marie-Paule Kieny, sous-directeur général de l'OMS pour les systèmes de santé et l'innovation, présente lors du colloque de l'Institut Pasteur. « Des campagnes de capture de moustique sont faites dans plusieurs régions pour y détecter la souche asiatique », précise-t-elle.
Marie-Paule Kieny a par ailleurs estimé que le nombre de cas d'infection par Zika pourrait augmenter de manière « significative » dans les mois à venir dans des zones du monde non encore touchées par ce virus, y compris en Europe.
« Les signaux d'alerte sont déjà là, ajoute Frédéric Simard, des prélèvements réalisés en 2007, lors de l'épidémie croisée de dengue et de chikungunya de Libreville et Franceville au Gabon ont montré que des Aedes porteurs du virus Zika y étaient présents sans toutefois transmettre le virus transmis. Les interactions entre plusieurs virus au sein de l'hôte doivent modifier sa capacité à transmettre la maladie. »
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