Le cancer du poumon occupe le 2e rang chez l’homme et le 3e rang chez la femme des tumeurs les plus fréquentes. Comment analysez-vous ces résultats ?
Outre l’augmentation du nombre de cas, on constate que, chez l’homme, l’incidence du cancer du poumon est relativement stable depuis les années 1990 et que la mortalité diminue depuis 1995. En revanche, chez la femme, les taux d’incidence comme de mortalité sont en forte progression depuis 1980. Ainsi, entre 2005 et 2012, le taux d’incidence était de - 0,3 % par an en moyenne chez l’homme et de + 5,4 % par an en moyenne chez la femme. En outre, toujours sur cette période, le taux de mortalité entre 2005 et 2012 était de - 2,2 % par an en moyenne chez l’homme et de + 4,6 % par an en moyenne chez la femme.
Comment expliquez-vous ces tendances ?
On sait que le principal facteur de risque du cancer bronchique est le tabac. Or, le tabagisme féminin a commencé à se généraliser un peu plus tardivement que chez les hommes, dans les années 1960. On retrouve donc ce décalage de 20 ans entre les chiffres de vente du tabac et la mortalité par cancer bronchique. Ces données sont d’autant plus inquiétantes que les femmes, y compris jeunes, continuent aujourd’hui de fumer.
Les femmes sont-elles plus vulnérables que les hommes au cancer du poumon ?
Même si, pour l’instant encore, les femmes moins nombreuses à fumer que les hommes, les fumeuses semblent avoir plus de risques de développer le cancer bronchique que leurs homologues masculins. En effet, une étude publiée en mai 2018 dans le « New England Journal of Medicine » a montré une baisse plus importante du cancer bronchique chez les hommes que chez les femmes alors que ces dernières consomment moins de tabac. Il faut donc regarder vers d’autres facteurs explicatifs, comme les risques professionnels ou encore le rôle éventuel des œstrogènes. C'est ce que cherche à faire une étude de cohorte francilienne WELCA portant sur 1000 femmes atteintes de cancer du poumon et 1000 contrôles.
Aujourd’hui, 85 % des cancers du poumon sont liés au tabac. A quoi sont dus les 15 % restants ?
Ces dernières années, on observe une augmentation du nombre de cancers chez des personnes qui n’ont jamais fumé. Les cancers du poumon des non-fumeurs se caractérisent souvent par des mutations génétiques particulières, comme la mutation EGFR mais également ALK, ROS, RET, HER2. Les mutations d’EGFR sont plus fréquemment trouvées chez des femmes, non fumeuses et asiatiques. Rechercher ces anomalies génétiques est important car nous disposons de traitements ciblés particulièrement actifs dans ces situations.
Pour les cancers liés au tabac, les traitements sont-ils les mêmes que pour les hommes ?
Oui, il n’y a pas de différence de ce côté-là ! Et il n’y a que la baisse du tabagisme qui pourra permettre de diminuer les courbes de l’incidence et de la mortalité… Il est donc impératif d’insister sur la prise en charge du tabac : consultation avec un tabacologue, prescription de substituts nicotiniques (remboursés depuis mai 2018 par l’Assurance-maladie), information, sensibilisation, etc. Il est certain que le paquet neutre et l’augmentation du prix des cigarettes vont également dans le bon sens. Le bénéfice de l’arrêt du tabac est majeur. Ainsi, plus les femmes arrêtent de fumer tôt, plus les risques de mortalité liés au tabac diminuent : un arrêt avant 30 ans diminue les risques de cancer bronchique de 97 %... Cependant, il y a un bénéfice à l’arrêt du tabac quel que soit l’âge.
Enfin, les études de dépistage du cancer du poumon par scanner, NLST1 aux États-Unis et Nelson aux Pays-Bas, montrent un bénéfice en faveur du dépistage avec une diminution de la mortalité par cancer du poumon de 20%. Ce bénéfice semble encore plus important chez la femme. Par ailleurs, dans l’étude NLST, l’arrêt du tabac montre dès la 7e année une diminution comparable de la mortalité par cancer bronchique que le dépistage. La mise en place d’un dépistage organisé – en articulation avec une prise en charge tabacologique – sera intéressant.
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