Quelle est la particularité du centre de la ménopause que vous dirigez au sein du CHU de Toulouse ?
Ce service est la seule structure transversale dédiée à la prise en charge des femmes ménopausées existant aujourd'hui au sein d'un CHU en France. Nous voyons 3 000 patientes par an qui sont, dans 95 % des cas, adressées par leur médecin. Le cœur de notre mission consiste à dépister chez elles les facteurs de risques au plan osseux et cardiovasculaire, aggravés par la carence ostrogénique.
Qu'observez-vous chez les femmes que vous recevez ?
Le constat est sans appel. Depuis 15 ans, les femmes ne prennent pratiquement plus de traitement hormonal en France suite à la polémique apparue sur les traitements hormonaux de la ménopause (THM) au début des années 2000. Nous voyons aujourd'hui une recrudescence de l'ostéoporose chez les femmes dès le début de la ménopause entre 50 et 65 ans avec un capital osseux très bas et des fractures. À ce stade, il n'est plus question de prévention, on met en œuvre des thérapeutiques théoriquement réservées à des femmes de plus de 70 ans.
C'est regrettable, quand on sait que des études complémentaires ont démontré depuis, que la balance bénéfice risque des THM est largement positive à condition de les prescrire de façon ciblée entre 50 et 59 ans.
Quelles sont vos recommandations en termes de prévention ?
Il est important pour les femmes de consulter en début de ménopause. C'est l'occasion de tout remettre à zéro pour appréhender les risques de santé.
C'est aussi le moment de donner des recommandations en matière d'hygiène de vie. En effet, le tabac aura un impact encore plus délétère sur l'organisme qu'avant la ménopause. On conseille aussi d'exercer une activité physique de 40 minutes trois à quatre fois par semaine, d'avoir une alimentation équilibrée en calcium deux à trois fois par jour et de faire attention au sucre car la ménopause modifie la résistance à l'insuline de l'organisme.
Néanmoins, tous ces conseils de bon sens n'ont pas la vertu de s'opposer à une éventuelle prédisposition génétique aux retentissements de la ménopause. C'est pourquoi je recommande un dépistage avec un bilan complet biologique, lipidique, densitométrique, métabolique… Ce check-up renseigne sur l'état de santé dans lequel la patiente arrive à la ménopause. Certaines vont bien et n'ont pas de risque particulier on leur propose de les revoir 5 ans plus tard ; pour les autres, on met en place une surveillance avec un traitement.
Comment travaillez-vous avec les médecins libéraux sur ces questions ?
Ce travail est un enjeu fondamental pour nous. Nous essayons de porter le message auprès des généralistes qui ont abandonné la question du dépistage et de la prévention primaire depuis longtemps. D'ailleurs l'examen d'ostéodensitométrie est remboursé en France depuis 2006 (pour les femmes qui présentent des facteurs de risques identifiés). La sécurité sociale prévoyait qu'1,5 millions de femmes feraient cet examen chaque année en France, actuellement moins de 500 000 femmes le font !
Au sein du groupe d'études sur la ménopause et le vieillissement hormonal dont je fais partie, nous avons une mission d'information et de formations des professionnels sur le sujet. Cette année nous travaillons avec le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) pour refaire des RCP ménopause et mettre à disposition des recommandations plus consensuelles. Elles seront présentées à l'occasion du grand congrès Pari(s) Santé Femmes en janvier 2020.
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