COMME LE RAPPELLE en préambule le Dr Petitpretz, la politique vaccinale relève d’une décision politique… C’est le ministre de la Santé qui décide, bien entendu sur la base des informations et avis que lui fournit le Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Celui-ci est quant à lui éclairé par le Comité technique des vaccinations (CTV), cheville ouvrière qui rassemble des experts de plusieurs disciplines médicales et non médicales, auxquels il revient de proposer la stratégie d’utilisation des nouveaux vaccins mis sur le marché, en fonction des données épidémiologiques, de la veille scientifique, des études bénéfices/risques et des études médico-économiques. Les indications du vaccin et les populations cibles peuvent par la suite être révisés en fonction de connaissances des évolutions épidémiologiques ou de modifications techniques par exemple. C’est pourquoi un calendrier vaccinal est publié chaque année. L’évaluation des politiques vaccinales revient à la Direction générale de la santé et prend appui sur les données de l’Institut national de veille sanitaire (InVS) qui surveille les maladies à prévention vaccinale et sur celles de la CNAM ou d’enquêtes spécifiques concernant la couverture vaccinale.
Pour définir une politique vaccinale, deux aspects sont pris en compte : d’une part, individuel, reposant sur les analyses bénéfices/risques, et, d’autre part, collectif faisant appel aux études coût/efficacité.
Grippe : des soignants bien peu citoyens…
En pneumologie adulte, la politique vaccinale comporte deux principaux vaccins non obligatoires : le vaccin antigrippal et le vaccin antipneumococcique. La vaccination contre la grippe saisonnière a pour objectif de diminuer la fréquence des hospitalisations et la mortalité de populations bien définies. Ses indications sont d’ailleurs relativement homogènes dans l’ensemble des pays européens, ciblant les sujets de plus de 65 ans et les sujets à risque. L’ensemble des données disponibles émanant d’études réalisées chez les personnes âgées et dans des populations institutionnalisées ont confirmé l’efficacité du vaccin. Il assure une diminution des hospitalisations, des complications et de la mortalité liées à la grippe. Les études coût/efficacité sont également concluantes au regard d’autres stratégies non vaccinales.
Quant au taux de couverture, il n’atteint pas les objectifs, mais il s’en approche peu à peu. L’enquête menée en Europe en 2008 et 2009, place la France en troisième position avec une couverture de 65 à 70 % chez les sujets de plus de 65 ans et dans les populations à risque. Rappelons que l’objectif de l’OMS était de 75 % en 2010, et celui de la France de 75 % en 2008. En revanche, la couverture vaccinale des soignants reste désespérément faible, de l’ordre de 20 % à 50 % selon les catégories, « c’est catastrophique », estime le Dr Petitpretz, eut égard à un certain nombre d’indicateurs de qualité maintenant demandés aux soignants pour assurer la prise en charge d’un patient. Et cela révèle une attitude pour le moins égoïste. Les « aléas » de la vaccination contre la grippe A H1N1 pandémique rendent la situation encore plus difficile cette année, ajoute-t-il.
Des résultats divergents.
Le cas de la vaccination antipneumococcique (vaccin 23 valent) est bien différent. L’objectif est de réduire la morbidité et la mortalité liées au pneumocoque chez les patients qui présentent un risque élevé de complications invasives, en particulier les patients souffrant d’insuffisance cardiaque ou respiratoire, les sujets drépanocytaires ou splénectomisés, les alcooliques… Le taux de couverture de ces sujets à risque est très bas en France. Deux études observationnelles récentes réalisées chez des patients souffrant de BPCO ont montré que le taux de vaccination était inférieur à 25 %.
Contrairement à la grippe, la situation est très hétérogène au niveau européen. Les indications sont disparates. Par exemple, la majorité des pays recommandent de vacciner tous les sujets de plus de 65 ans, d’autres, comme la France, seulement certaines populations à risque, et certains ne la recommandent pas du tout. En fait, en termes de niveau de preuves, les études sont assez peu convaincantes. Une méta-analyse récente, mandatée par l’OMS, de l’ensemble des essais randomisés évalués selon leur qualité, ne montre pas d’impact de la vaccination sur les pneumonies présumées à pneumocoque ou toutes causes et sur la mortalité. Les études observationnelles, dont on connaît les biais, mettent en évidence un bénéfice de l’ordre de 50 à 60 %, c’est-à-dire une diminution des infections invasives, mais chez les sujets jeunes et chez les sujets âgés en bonne santé… Néanmoins, une étude récente, publiée dans le BMJ en 2010, modifie un peu la donne. Menée au Japon, chez plus de 1 000 sujets âgés vivant en institution, elle a comparé en double aveugle, le vaccin pneumo 23 au placebo. En s’appuyant sur les hémocultures et, pour la première fois dans ce type d’étude, sur la détection de l’antigénurie pneumococcique, elle a montré, chez les sujets vaccinés, une baisse significative des infections invasives à pneumocoque et une diminution de la mortalité attribuable au pneumocoque. Avec, néanmoins, un bémol : il n’y a pas de modification de la mortalité globale….Ainsi, on voit bien toute la difficulté et la complexité des décisions de santé publique, le terme politique vaccinale prend ici toute sa signification.
› Dr MARINE JORAS
D’après un entretien avec le Dr Patrick Petitpretz, centre hospitalier de Versailles.
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