Fibrose pulmonaire idiopathique

Une modification de l’approche thérapeutique en 2011 ?

Publié le 28/01/2011
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COMME SON nom l’indique, l’étiologie de la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) reste à ce jour totalement inconnue. Dans 90 % des cas, il s’agit d’une affection sporadique et seulement 3 à 10 % des cas revêtent un caractère familial. Néanmoins, certaines anomalies génétiques, en particulier concernant la protéine C du surfactant ou les télomérases, ont pu être mises en évidence dans certaines familles atteintes, suggérant le rôle de facteurs génétiques chez certains patients. L’environnement joue aussi un rôle favorisant : les poussières de bois, les poussières métalliques ou l’exposition au bétail pourraient augmenter le risque tout comme la prise de certains médicaments (psychotropes notamment). Surtout le lien avec le tabagisme est net : 70 % des patients sont des fumeurs actifs ou ont un passé tabagique.

L’évolution se fait toujours vers une aggravation, mais avec une grande variabilité interindividuelle. Il s’agit d’une affection lentement progressive, mais on peut observer des exacerbations aiguës caractérisées par une aggravation rapide en quelques semaines qui peuvent survenir sans cause évidente, à la suite d’une intervention chirurgicale, en particulier chez les malades ayant une maladie avancée.

La biopsie pulmonaire chirurgicale n’est pas obligatoire.

Le diagnostic repose sur la conjugaison de deux éléments. D’abord, sur l’exclusion de toute cause définie de pneumopathie interstitielle (aréocontaminants organiques, minéraux organiques, médicaments, pneumopathie associée à une connectivite,etc.). Le deuxième élément contributif majeur est apporté par l’imagerie tomodensitométrique. Dans 50 % à 66 % des cas, cet examen permet à lui seul de confirmer le diagnostic de FPI lorsque les quatre critères suivants sont réunis : réticulation diffuse; prédominance périphérique et aux bases des anomalies ; aspect en rayon de miel avec ou sans bronchectasie par traction et absence de signes atypiques (condensations pulmonaires, nodules, aspect en verre dépoli prédominant). Dans un tel contexte, le diagnostic peut être retenu avec une probabilité dépassant 90 %, à condition que la lecture des clichés soit faite par un radiologue expert dans le domaine des pneumopathies interstitielles. Chez les autres patients, le diagnostic ne peut être définitivement retenu sans biopsie pulmonaire, sous réserve que celle-ci soit raisonnablement envisageable. Le diagnostic reposera alors sur les données conjuguées de la pathologie et de la tomodensitométrie, nécessitant impérativement dans ce contexte une discussion interactive entre un pneumologue, un radiologue et un anatomopathologiste, encore une fois experts dans le domaine des pneumopathies interstitielles, cette façon de procéder étant désormais recommandée sur des bases scientifiquement prouvées. Chez certains malades, il faut cependant souligner que la biopsie ne doit pas être envisagée, en raison d’un risque d’exacerbation aiguë et/ou d’un manque de bénéfice pour le patient : retentissement avancé sur la fonction respiratoire et/ou rayon de miel étendu au scanner ; âge avancé (› 70 ans) ou comorbidités sévères.

La prise en charge thérapeutique passe par un diagnostic précoce afin de pouvoir donner rapidement toutes les informations nécessaires au patient et de mettre en place un suivi adapté. Ce dernier repose sur une surveillance pneumologique tous les trois mois, la prise de précautions (vaccination antigrippale et antipneumococcique,), le traitement des comorbidités (reflux gastro-œsophagien, syndrome d’apnées du sommeil, etc.) qui sont fréquentes chez ces patients, du fait de leur âge, de leurs habitudes tabagiques, d’une surcharge pondérale. L’incidence du cancer bronchique est aussi anormalement élevée et les pathologies cardio-vasculaires plus fréquentes.

Le cas échéant, l’inscription sur une liste de transplantation pulmonaire doit être effectuée, et ce le plus tôt possible dans l’histoire de la maladie. Cette disposition est importante lorsque l’on sait que peut survenir à tout moment un accès d’exacerbation aiguë dont le diagnostic doit être rigoureux afin d’éliminer une autre cause d’aggravation pulmonaire (insuffisance cardiaque gauche, infection aiguë et/ou embolie pulmonaire,etc.).

Des perspectives.

Les anciennes recommandations préconisaient la prescription conjuguée de corticoïdes, initialement à forte dose et d’immunosuppresseurs. Ces médicaments qui restent légitimement justifiés dans d’autres pneumopathies interstitielles diffuses n’apportent en revanche pas de bénéfice suffisamment systématique en cas de FPI. Ainsi en est-il des corticoïdes qui, en outre, peuvent avoir de nombreux inconvénients surtout chez les patients fragiles : troubles métaboliques, hypertension artérielle, fragilité osseuse ou perte de force musculaire et notamment diaphragmatique.

La transplantation pulmonaire est le seul traitement dont l’apport en gain de survie, cible primordiale, a pu être établi avec toutefois comme réserve le recours possible chez seulement une minorité des patients. L’oxygénothérapie et la réhabilitation pulmonaire offrent sans danger l’opportunité de limiter le déconditionnement et une perte d’efficience musculaire. Surtout, les patients doivent pouvoir être informés des nombreux essais en cours avec des molécules innovantes, intéressantes car susceptibles d’intervenir au niveau pathogénique, comme c’est le cas pour deux d’entre elles :

• un antioxydant, la N-acétylcystéine, à très forte dose, a permis de diminuer de façon significative, la réduction de la capacité vitale et de la DLCO à 12 mois, par rapport au placebo, chez des patients qui étaient par ailleurs traités par l’association prednisone-azathioprine ;

• une métaanalyse de trois études récentes menées avec la pirfénidone, une molécule aux propriétés anti-inflammatoires et antifibrosantes (autorisée au Japon), a montré une diminution de la réduction de la capacité vitale et de la survie sans progression.

Le bénéfice obtenu avec ces deux molécules, bien qu’encore modeste et seulement à court ou moyen terme, ouvre ainsi des perspectives thérapeutiques dans une maladie toujours orpheline de médicaments spécifiques.

Les résultats d’une grande étude française prospective menée auprès d’une cohorte de 220 patients récemment diagnostiqués (étude COFI) sont attendus à la fin de l’année 2011 et devraient permettre de mieux comprendre l’histoire naturelle de la maladie.

D’après un entretien avec le Pr Dominique Valeyre, hôpital Avicenne, Bobigny.

Conflits d’intérêts – Le Pr Valeyre a fait partie des steering committees et/ou participé comme investigateur aux essais thérapeutiques suivants, dont certains sont en cours : INSPIRE (interféron-γ1b, Intermune) ; CAPACITY (pirfénidone, Intermune), BUILD 1 et  3 (bosentan, Actelion), MUSIC (Macitentan, Actelion), BIBF (antityrosine-kinase, Boehringer-Ingelheim).

Dr PATRICIA THELLIEZ

Source : Le Quotidien du Médecin: 8895