L’âge pulmonaire

Une notion qui peut faire réfléchir

Publié le 28/01/2011
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LES POUMONS subissent de nombreuses modifications anatomiques, physiologiques et fonctionnelles au cours de la vie. Concept développé depuis 1985, l’âge pulmonaire est une estimation de l’état de la fonction respiratoire d’un sujet à partir de la comparaison du VEMS mesuré et du VEMS attendu. Ce dernier est calculé à l’aide d’équations mathématiques, élaborées à partir d’une population générale saine, en tenant compte du sexe, de l’âge et de la taille. Le VEMS mesuré du sujet peut être influencé par un certain nombre de facteurs, tels le tabac, la pollution atmosphérique, le terrain, une exposition professionnelle ou l’existence de comorbidités. L’âge pulmonaire ne correspond donc pas toujours à l’âge chronologique.

Cette notion est utilisée pour communiquer avec les patients, dans des circonstances bien choisies. L’objectif est de le placer face à une réalité dont il n’a pas toujours conscience. Ainsi, annoncer à une jeune femme de 35 ans, fumeuse, que ses poumons ont 75 ans a de quoi faire peur ! L’âge pulmonaire peut alors constituer un moyen de motivation pour arrêter et/ou éviter les facteurs responsables d’un vieillissement prématuré comme le tabac. Cependant, du fait de l’existence de variabilités, d’une part de la fonction respiratoire (variabilités interindividuelles, intra-individuelles, d’un jour à l’autre, au cours de la journée, etc.), d’autre part des mesures elles-mêmes, il convient de l’utiliser avec prudence, afin de ne pas nuire à sa crédibilité.

Un essai randomisé (1) mené chez des fumeurs âgés de plus de 35 ans a comparé l’impact de l’annonce de leur fonction respiratoire, soit sous forme de VEMS attendu, soit sous forme d’âge pulmonaire, sur leur décision éventuelle d’arrêter de fumer. Les résultats ont montré que le pourcentage d’arrêts du tabac a été de 6,4 % dans le bras « VEMS attendu » et de 13,6 % dans le bras « âge pulmonaire ». Cette étude a suscité des critiques du fait de l’absence de comparaison avec un bras contrôle sans spirométrie.

Un marqueur du vieillissement prématuré.

Cette notion repose sur l’hypothèse (2) selon laquelle la BPCO correspondrait au vieillissement prématuré du poumon et de l’organisme. Il s’agirait d’une maladie systémique à point de départ respiratoire. Le vieillissement accéléré pourrait être l’un des mécanismes de réaction des poumons face à une agression oxydative comme celle du tabac. La fréquence supérieure des comorbidités cardio-vasculaires chez des sujets atteints de BPCO par rapport aux sujets qui en sont indemnes, pour un tabagisme équivalent, en serait l’une des conséquences. Cette notion fait envisager de nouvelles pistes thérapeutiques pour ralentir le vieillissement chez ces patients et pourrait relancer l’intérêt des antioxydants ou des statines au long cours.

La notion de vieillissement prématuré est en cours d’exploration dans d’autres pathologies inflammatoires chroniques comme la mucoviscidose.

D’après un entretien avec le Pr Bruno Housset (centre hospitalier intercommunal de Créteil)

(1) Parkes G et al. BMJ 2008;336:598-600.

(2) Ito K, Barnes P. Chest 2009;135:173-80

Dr MATHILDE FERRY

Source : Le Quotidien du Médecin: 8895