LE FOLFIRINOX, qui associe 5FU, irinotécan et oxaliplatine, est une nouvelle option thérapeutique offerte aux patients atteint d’un cancer métastatique du pancréas, mais en bon état général, c’est-à-dire répondant aux critères 0 ou 1 de l’OMS (ne se reposant pas l’après-midi du fait de la maladie, n’ayant pas de problème coronarien, ayant une bilirubinémie normale ou subnormale) et, de plus, ayant été bien informés des toxicités potentielles de ce traitement (risque de neutropénie fébrile de 5,4 %). Un tiers de l’ensemble des patients atteints d’un cancer du pancréas métastatique pourrait être traité. Dans toutes les autres situations (stade OMS 2, âge avancé, ictère ou non compliance, etc.), l’arme thérapeutique dont on disposait jusqu’à présent – c’est-à-dire la gemcitabine – reste le traitement standard.
Un gain de 4,3 mois pour la médiane de survie.
Si l’on reprend les 29 études de phase III, réalisées au cours des quinze dernières années pour améliorer les résultats de la gemcitabine en y ajoutant un autre agent de chimiothérapie ou une thérapie ciblée, on constate que toutes – sauf une – n’ont pas montré de bénéfice de survie à associer une autre thérapeutique à la gemcitabine. De façon homogène, la gemcitabine, traitement de référence jusqu’ici, ne laisse que 20 % des patients en vie à un an. Ces études ont toujours porté sur des populations hétérogènes de pronostic différent par leur état général et l’extension de la maladie, métastatique ou non. Parmi elles, une seule étude canadienne portant sur une thérapie ciblée – l’erlotinib associé à la gemcitabine versus la gemcitabine et un placebo – a réussi à montrer une augmentation de la survie très modeste puisque de seulement 12 jours !
« Fort de ces résultats décevants, nous avons conduit et présenté en juin dernier, au Congrès de l’American society of clinical oncology, un essai multicentrique de phase III (PRODIGE 4/ACCORD 11), mené uniquement chez les patients de moins de 76 ans, porteurs d’une maladie métastatique, mais en bon état général et donc capable de supporter une polychimiothérapie. Il s’agissait d’une étude académique nationale soutenue entre autres par la Ligue nationale contre le cancer, avec la participation de centres anticancéreux, de CHU, de CHR et de cliniques privées. Au total, 48 établissements ont ainsi participé et 342 patients ont été tirés au sort pour recevoir soit de la gemcitabine, soit le folfirinox. Notre essai montre que le protocole folfirinox (5FU/acide folinique, irinotécan et oxaliplatine) allonge de plusieurs mois la survie des patients en bon état général atteints d’un cancer du pancréas métastatique. Nous avons ainsi obtenu 31,6 % de réponse dans le bras folfirinox versus 9,4 % de réponse dans le bras gemcitabicine, ce qui est très significatif (p‹0,0001). De plus, le folfirinox a donné 70,2 % de stabilisation de la maladie, versus 50,9 % pour la gemcitabine (différence également significative). Au final, la survie médiane a été de 6,8 mois chez les patients sous gemcitabine, versus 11,1 mois sous folfirinox, soit un gain de 4,3 mois (p‹0,0001) et un triplement des chances de survie à 18 mois : du jamais vu dans ce cancer ! » remarque le Pr Conroy.
Une qualité de vie plus longtemps préservée.
Ces résultats peuvent paraître modestes pour les malades et leur famille, mais au regard des précédents essais réalisés, c’est la plus grande avancée jamais obtenue au niveau mondial depuis 15 ans ! De plus, il n’a pas été noté de différence de qualité de vie entre les deux traitements – gemcitabine versus folfirinox - hormis une diarrhée au cours des quatre premiers mois, plus fréquente avec la polychimiothérapie. Pour le constater, les patients inclus dans l’étude ont dû répondre à un questionnaire tous les 15 jours. « Si l’on regarde la survie sans dégradation de la qualité de vie, il y a un retard de cette dégradation d’environ six mois avec le folfirinox et ce, pour tous les critères : forme physique, activités quotidiennes, fatigue, douleurs, nausées, vomissements, troubles du sommeil, manque d’appétit, vie sociale, qualité de vie globale, etc. Le traitement permet donc de vivre plus longtemps dans des conditions plus confortables, même s’il reste encore beaucoup à faire » insiste le Pr Thierry Conroy.
Ces premiers résultats encourageants ne sont pas une fin en soi. « La prochaine étape va être de tester le folfirinox en adjuvant versus la gemcitabine, pour détruire les micrométastases. Cependant, il faudra attendre encore au moins cinq ans pour avoir la réponse » conclut le Pr Conroy.
D’après un entretien avec le Pr Thierry Conroy, Département d’oncologie médicale, Centre Alexis-Vautrin et CHU de Nancy.
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