LES PATIENTS ayant un reflux gastro-œsophagien (RGO) et qui sont bien soulagés par un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) demandent parfois s’il ne serait pas préférable d’opter pour un traitement chirurgical plutôt que de recevoir un traitement médical au long cours. De fait la chirurgie laparoscopique du reflux est aujourd’hui souvent proposée, mais l’efficacité de ces deux options est-elle comparable ?
Pour s’en assurer, une grande étude européenne prospective randomisée * a été menée chez plus de 500 patients ayant un RGO répondant aux IPP et qui ont été tirés au sort pour, soit recevoir un traitement médical par ésoméprazole, soit être opérés de leur reflux.
« Il est important de noter que les malades inclus étaient tous IPP-dépendants c’est-à-dire qu’ils étaient asymptomatiques ou très peu symptomatiques avant leur entrée dans l’étude alors que leur RGO avait été dûment documenté par pHmétrie et/ou endoscopie et qu’il ne s’agissait donc pas de sujets en échec thérapeutique », souligne le Pr Jean-Pierre Galmiche. De plus les interventions qui ont été effectuées dans une douzaine de centres européens ont été standardisées de façon à être les plus similaires possibles.
Plus de 500 patients suivis pendant 5 ans.
Les patients ont ensuite été surveillés environ tous les six mois pendant 5 ans. À chaque visite, une question très simple, qui constituait le critère principal, leur était posée : « êtes-vous suffisamment soulagé de votre pyrosis ou de vos régurgitations ? ». Dans le bras traitement médical, une réponse positive entraînait la poursuite du traitement par l’IPP ; en cas de réponse négative la dose initiale de 20 mg/j d’ésoméprazole était doublée ; si, à la visite suivante, le patient n’était toujours pas assez soulagé, il recevait alors 20 mg deux fois par jour, « qui, on le sait, est une modalité plus efficace que l’administration de la même dose quotidienne en une seule prise » explique le Pr Galmiche. Ce n’est que, lorsqu’au terme de cette escalade de doses, les symptômes étaient toujours présents que le patient était considéré en échec thérapeutique.
Dans le bras chirurgical, l’insuffisance de soulagement signait également l’échec de même, par exemple, qu’une dysphagie requérant plus d’une dilatation endoscopique ou bien encore la nécessité d’une réintervention.
Il existait également de nombreux secondaires : évaluation de l’intensité des symptômes, de la qualité de vie, étude endoscopique et histologique de la muqueuse, etc.
Les résultats présentés par le Pr Galmiche concernent surtout le critère principal ainsi que la qualité de vie.
Au total, 554 patients ont été randomisés après avoir reçu pendant trois mois un traitement par ésoméprazole (40 mg/j). Tous étaient alors asymptomatiques ou presque et éligibles pour la chirurgie. Sur les 266 patients du groupe « traitement médical », 192 étaient toujours dans l’étude au terme des 5 ans prévus et, sur les 288 patients opérés, 180 ont poursuivi l’essai jusqu’à son terme. Il y a eu 75 % d’hommes traités médicalement et 69 % par chirurgie ; la moyenne d’âge était d’environ 45 ans ; la plupart n’avaient que peu ou pas d’œsophagite, 10 % avaient un endobrachyœsophage et 10 % étaient Helicobacter pylori positifs.
Des informations très utiles pour conseiller les patients.
Les résultats obtenus avec le critère principal, en intention de traiter, ont été globalement excellents, mais statistiquement en faveur des IPP puisque, à 5 ans, 92 % des patients sous traitement médical étaient en rémission et 85 % de ceux qui avaient bénéficié de l’intervention chirurgicale (p = 0,047). Des résultats similaires ont été constatés en analyse per-protocole : 94 % versus 85 % en faveur du traitement médical.
De plus, l’analyse des critères secondaires a permis d’affiner ces données, en montrant quelques différences. Ainsi, rapporte le Pr Galmiche, « les personnes opérées avaient plutôt moins de pyrosis, moins de régurgitations, moins de troubles du sommeil, mais un peu plus de dysphagies et de flatulences. Il faut également noter qu’aucun décès n’est survenu dans le bras chirurgical et que le taux de morbidité dans les 30 jours suivant l’intervention était de seulement 3 %. D’une façon générale, il n’y a pas eu d’effets secondaires importants dans les deux bras de l’étude ».
Quelle conclusion peut-on tirer aujourd’hui de cette étude ? Pour le Pr Galmiche, « même si l’ésoméprazole apparaît significativement supérieur à la chirurgie, ce qu’il faut surtout penser de ces données c’est que, d’une part les deux options aboutissent à des résultats excellents et, d’autre part, que l’on connaît mieux les avantages et les inconvénients du traitement médical et chirurgical, ce qui peut être très utile pour conseiller un patient en particulier. Ainsi chez un malade jeune ne voulant pas prendre un traitement au long cours, la chirurgie peut être conseillée sans arrière-pensée. A contrario, chez un patient que la prise régulière d’un IPP ne gêne pas, il n’apparaît pas utile de lui proposer la chirurgie ».
Il faut cependant souligner que les résultats chirurgicaux ont, dans cet essai, été bien supérieurs à ceux obtenus il y a une vingtaine dans une autre étude, Soprane, sans doute parce que les interventions ont été effectuées dans des centres experts par des chirurgiens entraînés. Dernier point important, ces résultats ne prouvent en aucun cas que la chirurgie est efficace chez les patients ne répondant pas aux IPP.
D’après un entretien avec le Pr Jean-Pierre Galmiche, hôtel-Dieu, Nantes.
* L’étude LOTUS a été sponsorisée par le Laboratoire AstraZeneca et menée de façon indépendante sous l’égide d’un comité de pilotage scientifique européen.
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