EN FONCTION de leur aspect, de leur extension en surface et en profondeur, l’ablation des polypes colorectaux relève de trois techniques endoscopiques : polypectomie, mucosectomie et maintenant dissection sous-muqueuse. La dissection sous-muqueuse par voie endoscopique s’adresse aux tumeurs d’un diamètre compris entre 2 et 10 cm ne pouvant être enlevées par polypectomie. La tumeur doit respecter la musculeuse et l’envahissement en profondeur de la sous-muqueuse ne doit pas dépasser 1 000 µm pour le côlon, le risque de dissémination lymphatique étant trop élevé au-delà. Le recours à l’écho-endoscopie permet de mieux préciser cette extension en profondeur.
Une alternative prometteuse à la résection chirurgicale.
Après marquage des limites de la lésion par électrocoagulation, l’incision est faite en périphérie de la tumeur, en respectant une marge de sécurité. La dissection sépare la lésion de la musculeuse ; le décollement sous-muqueux étant facilité par l’injection préalable d’un produit qui « soulève » la tumeur. L’idéal est de pratiquer une résection complète en un seul bloc qui diminue le risque de récidive locale et permet l’analyse histologique de toute la pièce et, en particulier, de ses marges latérales et de l’invasion en profondeur.
Cette technique a été développée dans diverses localisations digestives par des équipes japonaises. En France, elle est utilisée au niveau œsophagien et gastrique et une étude de faisabilité dont les résultats préliminaires sont présentés lors des JFHOD est en cours dans les polypes rectaux.
L’avantage de ce procédé, par rapport à un abord chirurgical plus lourd et plus invasif, est d’éviter les résections, donc les anastomoses et le risque inhérent de fistule. L’intervention dure en moyenne de 30 minutes à 2 heures suivant la taille des tumeurs et l’expérience des opérateurs. La reprise du transit est immédiate ; à terme, la durée d’hospitalisation pourrait être réduite. Pour le Pr Christophe Cellier « la dissection sous-muqueuse endoscopique pourrait permettre, dans des tumeurs rectales très basses, de préserver le sphincter et d’éviter certaines colostomies, sous réserve qu’il s’agisse de lésions superficielles. Il ne faut cependant pas oublier », poursuit le gastro-entérologue, « que cette technique reste une technique chirurgicale même si elle est endoluminale, avec des risques de perforation et d’hémorragie qu’il faut savoir gérer, ce qui suppose de la réaliser en milieu chirurgical et de disposer du matériel de suture endoscopique et de clips d’hémostase. Dans notre étude, ces complications ont été gérées sans avoir recours à la chirurgie ». Dans les grandes séries japonaises ayant inclus de 3 000 à 10 000 patients, le pourcentage de conversion chirurgicale dans des mains entraînées est très faible, inférieur à 5 %. Il faut en effet insister sur la courbe d’apprentissage très importante de cette technique qui la fait réserver actuellement à des centres spécialisés.
Résultats préliminaires de l’étude de faisabilité.
Une étude de cohorte prospective a été menée en France sous l’égide de la Société française d’endoscopie avec le soutien financier de l’Institut national du cancer. Seize centres y ont participé, l’objectif étant d’évaluer le taux de résection sans récidive à un an avec ce procédé dans les tumeurs superficielles du moyen et bas rectum. Les premières données portent sur 26 patients analysés dans dix centres entre février 2010 et octobre 2010, dont 16 hommes, avec un âge moyen de 68 ans. La tumeur se situait dans 58 % des cas au niveau rectal bas, dans 42 % au niveau rectal moyen ; la taille de la lésion était en moyenne de 41 mm, 46 % étant de diamètre supérieur à 40 mm. L’ablation de la lésion s’est faite en un seul bloc dans 42 % des cas et s’est révélée macroscopiquement complète chez 24 patients (92 %), 11 % ayant des marges positives à l’histologie. La perforation est la principale complication (19 % des cas) ; dans tous les cas, elle a été gérée par traitement médical et la pose de clips sous endoscopie. Les auteurs concluent que « la dissection endoscopique sous-muqueuse permet dans de nombreux cas une résection monobloc et complète des tumeurs rectales superficielles. La morbidité devrait encore s’améliorer avec l’expertise croissante des endoscopistes ».
D’après un entretien avec le Pr Christophe Cellier, Hôpital Européen Georges-Pompidou, Paris.
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