MICI et grossesse

Les possibilités thérapeutiques se précisent

Publié le 24/03/2011
Article réservé aux abonnés
1300952052238597_IMG_56978_HR.jpg

1300952052238597_IMG_56978_HR.jpg
Crédit photo : PHANIE

LES MALADIES inflammatoires chroniques intestinales (MICI), maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique (RCH), débutent le plus souvent chez des sujets jeunes, ce qui a bien sûr conduit à s’interroger sur les conséquences de la grossesse sur l’évolution de la maladie et sur les conséquences de la maladie sur la grossesse ainsi que sur l’impact des thérapeutiques sur l’embryon et le fœtus.

« La grossesse n’a pas d’impact significatif sur la maladie », rapporte le Pr Philippe Marteau. Si une grossesse est débuté alors que la femme présente une poussée de maladie de Crohn ou de RCH, cette dernière sera plus difficile à gérer, avec un risque accru d’être symptomatique. Si la grossesse débute en phase de rémission, le risque de poussée pendant celle-ci n’est que de 25 à 30 %.

En termes d’impact de la maladie sur la grossesse, le seul sur-risque est celui d’un accouchement prématuré, observé tant dans la maladie de Crohn que dans la RCH, avec un taux de 10 %, significativement plus élevé que celui rapporté dans la population générale (3 %). Le poids moyen des nouveau-nés est inférieur de 180 g à celui des enfants de mères indemnes de MICI. « Cela conduit donc à être plus prudent chez les femmes souffrant de MICI, qui doivent être surveillées de façon plus étroite, en particulier en fin de grossesse. Le risque de fausse-couche, de 20 %, est comparable à celui observé dans la population générale. Il en est de même pour le risque de malformations, qui n’est pas augmenté par rapport à celui rapporté en population générale (3,2 %) », insiste le Pr Marteau.

Plusieurs molécules.

La deuxième grande question concerne l’impact des traitements sur l’embryon et le fœtus.

Le 5-ASA (acide 5 aminosalicylique), l’un des plus prescrits, n’a pas d’effet spécifique lorsque la posologie est inférieure ou égale à 3 g/jour. En raison du manque de données avec des doses plus élevées et compte tenu d’un cas de néphropathie rapporté il y a quelques années chez un nouveau-né dont la mère avait reçu 4 g/jour pendant la grossesse, il est recommandé de ne pas dépasser 3 g/jour. « Si cette posologie est insuffisante, on peut soit l’augmenter en surveillant les reins du fœtus par échographie, soit envisager une autre solution thérapeutique, notamment une corticothérapie en cas de poussée », précise le Pr Philippe Marteau.

Les corticoïdes utilisés dans les MICI, prednisone et prednisolone, sont fortement métabolisés par le placenta (le fœtus est exposé à moins de 10 % de la dose reçue par la mère) et aucun sur-risque n’a été observé chez l’être humain. Il importe toutefois de bien prévenir les pédiatres afin de surveiller étroitement le nouveau-né si la femme reçoit de fortes doses de corticoïdes en fin de grossesse.

Rapport bénéfice/risque.

Les études sur l’impact de l’azathioprine se sont multipliées, dont un travail récent mené sur 215 grossesses chez 204 femmes (1). Les données qui portent désormais sur quelques centaines de femmes sont très rassurantes par rapport au signal de prudence qui découlait des études menées chez l’animal (avec une administration parentérale et à des posologies cinq fois plus élevées).

En pratique, la décision thérapeutique se fonde sur une analyse précise du rapport bénéfice/risque, comme le stipulent les recommandations de l’ECCO (European Crohn’s and colitis organisation), (2).

«Chez une patiente qui n’est pas en rémission depuis plus de 4 ans, ce traitement présente un réel intérêt du fait du risque élevé de récidive dans l’année qui suit, et donc au cours de la grossesse ; il est alors licite de poursuivre le traitement », explique le Pr Marteau.

Enfin, dans 5 % des cas environ, la femme est traitée par anti-TNF. Chez l’animal, aucun élément significatif n’a été rapporté, mais, en clinique humaine, les données restent encore assez parcellaires. Une enquête rétrospective du GETAID ne montre pas de sur-risque par rapport au risque naturel (3), et les quelques séries publiées donnent des résultats comparables. En pratique, il faut se poser la question de l’arrêt du traitement. Si cela n’est pas possible, le traitement est poursuivi, avec un objectif d’arrêt de l’anti-TNF à 6 mois de grossesse, car au cours des six premiers mois il n’y a quasiment pas de passage placentaire des anticorps. La dernière administration d’anti-TNF est ainsi planifiée à la fin du 6e mois, ce qui in fine n’entraîne qu’une pause thérapeutique de trois mois. Dans les quelques rares cas où il est impossible d’interrompre l’anti-TNF, une nouvelle administration peut être envisagée, l’expérience, bien sûr très limitée, ayant montré l’absence de risque particulier.

Il reste à préciser si les nouveau-nés de mère ayant reçu des anti-TNF en fin de grossesse sont potentiellement immunodéprimés.

On le voit, les données colligées ces dernières années permettent aujourd’hui de proposer une prise en charge adaptée à chaque situation. Il s’agit bien sûr d’une approche au cas par cas, fondée sur une analyse précise du rapport bénéfice/risque, réalisée par un prescripteur expérimenté.

D’après un entretien avec le Pr Philippe Marteau, hôpital Lariboisière, Paris.

(1) Coehlo J et coll. Pregnancy outcome in patients with inflammatory bowel disease treated with thiopurines: cohort from the CESAME Study.Gut. 2011 Feb;60(2):198-203. Epub 2010 Nov 29.

(2) Caprilli R et coll. European evidence based consensus on the diagnosis and management of Crohn’s disease: special situations. Gut 2006;55:i36-i58 doi:10.1136/gut.2005.081950c

(3)Seirafi M et colll.; Groupe d’Etude Thérapeutique des Affections Inflammatoires du Tube Digestif (GETAID). Grossesse, MICI et anti-TNF : Cohorte observationnelle portant sur 120 patientes suivies dans des centres GETAID depuis le 1er janvier 2009. Présentation pendant les JFHOD 2011.

 Dr ISABELLE HOPPENOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8930