DES AVANT la découverte du virus de l’hépatite C fin 1988, ce qui était dénommé à l’époque hépatite non A non B était traité par l’interféron. Le développement de tests diagnostiques et de la virologie moléculaire ayant abouti à l’identification du virus se sont à l’époque largement inscrits dans la vague des progrès apportés par les travaux sur le VIH.
Le recours à l’interféron, à raison de 3 à 5 fois par semaine, permettait au mieux 10 % de guérison, ce qui était déjà un progrès. Les évolutions en virologie moléculaire (génotypage, quantification…) ont alors démontré un élément majeur : le fait que le traitement peut entraîner une guérison virologique complète.
À partir de 1995, l’association de la ribavirine à l’interféron s’est accompagnée d’une augmentation du taux de guérison, qui est passé de 10 à 30 %. Puis, dans les années 1997-1998, l’arrivée de l’interféron pégylé, à libération prolongée et autorisant une seule injection hebdomadaire au lieu de cinq, a encore amélioré le taux de guérison, qui est passé de 30 à50 %.
« Ainsi, en à peine une décennie, les chances de guérison ont été multipliées par un facteur 5 », souligne le Pr Stanislas Pol.
Puis, la période 2000-2010 a été marquée par une phase d’optimisation thérapeutique. Celle-ci s’est fondée sur la prise en compte des facteurs prédictifs de réponse inhérents à chaque patient et sur une adaptation de la posologie et de la durée de traitement au génotype et à la réponse virologique initiale. Cette démarche permet notamment de ne pas poursuivre un traitement inefficace.
L’accompagnement du patient.
La meilleure gestion des effets secondaires (anémie, dépression…) constitue l’un des volets importants de la prise en charge actuelle ; en particulier, le recours aux facteurs de croissance permet d’éviter la réduction des posologies, dont on connaît l’impact délétère en termes d’efficacité. Au-delà de l’aspect observance, les patients bénéficient aujourd’hui d’un accompagnement qui participe pleinement à l’optimisation thérapeutique. Cette approche globale du patient comprend ainsi la prise en charge des comorbidités, telles que la consommation d’alcool ou la surcharge pondérale, qui jouent un rôle dans la maladie hépatique.
Parmi les progrès, il faut aussi souligner la spécificité franco-française donnant la possibilité institutionnelle d’évaluer la fibrose par des méthodes non invasives simples -scores composites obtenus à partir de tests biologiques ou élastométrie ultrasonore.
De nouveaux facteurs prédictifs de réponse.
Récemment, de nouveaux facteurs prédictifs de réponse ont été développés.
L’un est génétique : il s’agit du polymorphisme de l’IL28 B, décrit en 2009-2010. Plusieurs études ont montré l’impact de un ou plusieurs polymorphismes de ce gène, avec des taux de réponse virologique allant de 30 à 80 % selon les allèles, chez les sujets infectés par un virus de génotype 1.
Il s’agit donc d’un test qui pourrait, à terme, conditionner la décision de traitement et peut-être le type de traitement.
Autre facteur prédictif, cette fois de non réponse au traitement : un taux plasmatique élevé de la protéine IP10. Des travaux ont pu montrer que la présence d’une forme courte d’IP-10 est responsable de l’inhibition du recrutement des lymphocytes T et donc de l’inefficacité du traitement. « Le recours à ce test, en permettant d’éviter de traiter des patients à risque d’échec thérapeutique, constitue une avancée en termes d’épargne thérapeutique », explique le Pr Pol avant de préciser que ces deux facteurs de réponse ou non réponse, qui restent du domaine de la recherche, sont complémentaires.
Ces avancées doivent être mises en parallèle avec les progrès thérapeutiques et l’arrivée prochaine des trithérapies, même « si aujourd’hui nous ne disposons pas encore de données très précises sur l’impact de ces tests sur les trithérapies », reconnaît le Pr Pol.
Les trithérapies.
Le développement des nouvelles molécules et l’avènement des trithérapies marquent l’entrée dans une nouvelle ère, puisque les taux de guérison chez les patients infectés par un génotype 1 (ce qui représente de 55 à 60 % des cas en France), passe de 45 % à 75 %.
L’Agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé (AFSSAPS) a récemment délivré une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) à deux inhibiteurs de protéases, le bocéprévir et le télaprévir.
Cette ATU est limitée aux patients ayant une hépatite chronique C de génotype 1, au stade de cirrhose non décompensée et n’ayant pas répondu aux traitements antérieurs. « Il s’agit donc en pratique des patients les plus difficiles à traiter ».
Ainsi, après une période d’avancées majeures qui ont permis de décliner des traitements à la carte en fonction de facteurs prédictifs de réponse, nous sommes aujourd’hui sur une nouvelle pente de progrès. L’impact de cette efficacité thérapeutique croissante sur la morbi-mortalité est d’autant plus marqué que le foie a une importante capacité de régénération, conclut le Pr Stanislas Pol.
D’après un entretien avec le Pr Stanislas Pol, hôpital Cochin, Paris.
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