AUJOURD’HUI, la biologie tumorale permet de mieux connaître la gravité d’un cancer. C’est surtout dans le domaine du cancer du côlon, le plus fréquent des cancers digestifs, que des progrès ont été réalisés. « Dans 85 % des cas, un cancer du côlon survient en raison de l’accumulation d’anomalies chromosomiques dans la cellule qui font qu’elle finit par devenir cancéreuse. Moins fréquemment – dans 15 % des cas – un cancer du côlon survient en raison de l’accumulation d’anomalies au niveau de certains gènes de réparation de l’ADN : on parle alors de tumeurs avec instabilité microsatellitaire qui sont, à stade TNM équivalent, moins dangereuses que les précédentes » remarque le Pr Pierre Michel.
Première tendance : mieux connaître la tumeur.
Pour les 85 % des cancers du côlon dus au cumul d’anomalies chromosomiques, l’objectif est d’identifier, par des moyens simples, si l’addition ou la perte d’une portion donnée de chromosome, est associé à un meilleur - ou à un moins bon - pronostic. C’est une piste intéressante, mais qui jusqu’ici, avait ses limites : en effet, ce type de recherche ne se fait pas en pratique courante. Et la valeur prédictive d’une seule portion de chromosome en plus ou en moins, est connue à la fois. « La nouveauté, c’est que le développement technologique permet d’analyser simultanément, à partir d’un prélèvement tumoral, une quinzaine de gènes et donc de repérer simultanément plusieurs pertes et/ou gains de quantité d’ADN. Grâce à ce progrès, on commence à connaître, pour des tumeurs de même stade, la valeur prédictive de certaines de ces associations d’anomalies chromosomiques » explique le Pr Michel.
Seconde tendance : la voie de la pharmacogénétique.
Pour tous les cancers digestifs, la fréquence augmente avec l’âge. Toutefois, le choix du traitement ne dépend pas de ce dernier, mais de l’état général du patient. C’est un critère important, mais qui ne suffit pas. En effet, pour un cancer digestif donné, il existe souvent plusieurs protocoles proposés : il faut donc trouver d’autres moyens de sélectionner les meilleurs candidats à ce protocole. « L’exemple le plus connu est celui de la mutation du gène KRAS dans la tumeur : on s’est aperçu que sa présence empêchait le fonctionnement des traitements anti-EGFR (epidermal growth factor) et d’ailleurs, l’AMM de ces derniers a été modifiée en fonction (ils ne sont plus indiqués chez les patients dont la tumeur présente cette mutation). Lorsque la tumeur n’est pas porteuse du gène KRAS, en revanche, et que l’EGFR est surexprimé sur les cellules cancéreuses, les anti- EGFR permettent d’inhiber la multiplication des cellules cancéreuses. Mais quel rôle exact joue donc le gène KRAS dans le métabolisme des anti-EGFR ? C’est justement la question à laquelle tentent de répondre les travaux actuels. Sont parallèlement recherchés, d’autres indicateurs que la mutation du gène KRAS, pour affiner encore le choix des patients susceptibles de recevoir ou non le traitement » poursuit le Pr Michel.
La pharmacocinétique des anti-EGFR intéresse aussi les chercheurs car l’efficacité d’un médicament peut varier d’un patient à l’autre, selon que le principe actif est plus ou moins métabolisé rapidement. Or voilà déjà une dizaine d’années que sont compilées des données sur les traitements, guidées par la pharmacogénétique. « Il devrait en ressortir des recommandations pratiques dans les trois ou quatre ans qui viennent » poursuit le Pr Michel.
Enfin, l’INCa vient de labelliser quelques laboratoires de biologie moléculaire pour travailler sur la tumeur et sur la pharmacogénétique, de façon à avoir des médicaments moins toxiques. « Lorsque l’on dispose d’un portefeuille de 4 à 5 produits à utiliser pour une tumeur, si on peut sélectionner le produit en fonction du meilleur profil efficacité et toxicité, c’est l’avenir ! » conclut le Pr Michel.
D’après un entretien avec le Pr Pierre Michel, CHU de Rouen.
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