LA CONFÉRENCE de consensus organisée avec la participation de l’HAS sur les indications de la transplantation hépatique en 2005 la limitait aux moins de 70 ans. Les progrès ont cependant amené à se poser la question de savoir si le seul fait de l’âge constituait une contre-indication chez un patient de plus de 70 ans qui serait par ailleurs en bon état général. Vu l’insuffisance de l’offre en greffons, on ne pouvait risquer une perte de chances chez des patients plus jeunes si la transplantation hépatique n’améliorait pas la survie du receveur âgé. Les données concernant tous les patients transplantés en Europe ont donc été reprises pour évaluer les résultats à long terme chez les plus de 70 ans.
L’ELTR (European Liver Transplant Registry) (1), géré à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif, porte sur environ 90 000 transplantations hépatiques (soit 80 000 patients) réalisées de 1968 à 2009 dans 150 centres de 25 pays européens. Le pourcentage des transplantés de plus de 70 ans progresse régulièrement, mais reste infime : aucun avant les années 1990, 0,1 % entre 1990 et 1994, 0,3% de 1995 à 1999, 0,5% de 2000 à 2004, 0,8% entre 2005 et 2009. L’analyse s’est concentrée sur les transplantations les plus récentes, effectuées de 1995 à juin 2009, et a donc comparé les 310 patients de plus de 70 ans aux 56 488 transplantés de moins de 70 ans.
Une survie pratiquement identique à celle des plus jeunes.
Si on se place en termes de survie du greffon, il n’y a pas de différence significative à 5 ans entre les moins et les plus de 70 ans, avec respectivement 67 % versus 62 % de survie du greffon (p = 0,054). Il est donc légitime d’utiliser des greffons chez les plus de 70 ans puisqu’on n’observe pas plus de pertes du greffon qu’en transplantant des patients plus jeunes.
La survie des patients est un peu moindre au-delà de 70 ans (72 % versus 64 %, p = 0.0007) ; des résultats cependant très bons puisque deux tiers des patients sont encore en vie à 5 ans et que leur profil n’est pas exactement le même que les transplantés plus jeunes ; les indications diffèrent puisque la transplantation est indiquée dans un quart des cas pour un cancer contre 15 % chez les plus jeunes, les autres indications se répartissant entre les insuffisances hépatiques aiguës et les cirrhoses de toutes origines (60 %). À noter qu’on trouve un peu moins de cirrhoses alcooliques (14 % versus 35 %) chez les transplantés les plus âgés. « Autre facteur influant sur les résultats, le fait qu’on tend à donner aux patients âgés les foies des donneurs les plus âgés, ce qui les pénalise alors que si on donne à ces patients un greffon venant d’un donneur de moins de 55 ans, la survie se superpose à celle des transplantés plus jeunes » explique le Pr René Adam.
Une sélection plus stricte chez les patients âgés.
Dans cette pathologie où, en l’absence de transplantation, l’espérance de vie excède rarement un an, deux tiers des plus de 70 ans sont encore en vie 5 ans après et, comme on l’a récemment montré, avec une excellente qualité de vie, pratiquement identique à celle des non transplantés. Il n’y a actuellement pas de raison objective pour récuser la transplantation hépatique chez les plus de 70 ans, sous réserve qu’ils soient en très bon état général. « La seule réserve sera de considérer non plus les résultats à 5 ans, mais, à 10 ans, car il est possible qu’on observe, à long terme, une diminution de la survie chez les plus âgés » tempère le chirurgien « mais une survie de qualité à 5 ans constitue en elle-même une échéance avancée importante ».
On connaît les facteurs de risque d’une moins bonne survie après transplantation hépatique avec outre l’âge du donneur, la gravité de l’atteinte hépatique et l’existence d’une cirrhose liée à l’hépatite C. Il est évident qu’il faut éviter de transplanter en cas de comorbidités importantes et rester très sélectifs dans le choix des patients ce qui a vraisemblablement été le cas dans le registre européen. Avec ces résultats favorables, les indications pourraient donc s’élargir, mais elles s’autolimiteront par le manque de donneurs.
D’après un entretien avec le Pr René Adam, Hôpital Paul-Brousse, Villejuif.
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