COMME LE RAPPELLE le Dr Abramowitz, le cancer de l’anus est un cancer rare, mais son incidence a augmenté au cours des dernières années. Auparavant, il touchait plus volontiers les femmes âgées. Aujourd’hui il concerne aussi les hommes jeunes, et plus précisément les homosexuels séropositifs. Et l’incidence dans cette population a fortement augmenté avec un pic à la quarantaine. Les études épidémiologiques ont montré que ces patients jeunes présentaient souvent des dysplasies anales. Les condylomes sont effectivement très fréquents chez les patients VIH+, observation qui a conduit le dernier rapport Yéni à recommander leur dépistage systématique. Le rapport précise qu’il convient de rechercher des dysplasies anales avec une évaluation de leur stade histologique chez ces patients. Une étude réalisée il y a quelques années et publiée dans la revue « AIDS » sur près de 500 sujets séropositifs, 200 homosexuels, 123 hétérosexuels et 150 femmes, a montré que 23 % d’entre eux avaient à l’examen clinique des condylomes anaux ; la prévalence était de 36 % chez les hommes homosexuels, de 15 % chez les hétérosexuels, de 11 % chez les femmes. La poursuite de ce travail qui compte maintenant plus de 1 200 patients VIH+ a confirmé ces chiffres. « Ces lésions doivent être biopsiées pour en établir le stade histologique, qui détermine le traitement et le suivi », explique le Dr Laurent Abramowitz.
Des lésions très hétérogènes.
L’étude réalisée à l’hôpital Bichat, avec notamment le Dr Dalila Beabderrahmane chargée des examens proctologiques dans le service d’infectiologie, avait pour objectif de vérifier la répartition du statut de dysplasie anale chez des patients opérés pour condylomatose diffuse. La question était de savoir si toutes les lésions étaient homogènes, c’est-à-dire de même sévérité, ou non, et donc de vérifier qu’une seule biopsie suffisait à l’évaluation déterminant elle-même les modalités de prise en charge. Dans cette étude prospective, tous les patients ont eu huit biopsies, soit une dans chaque cadrant (droit, gauche, antérieur et postérieur) sur la marge anale et au niveau intracanalaire ; 62 patients ont été inclus, 38 VIH+, 17 VIH- et 7 de statut indéterminé, 51 étaient de sexe masculin, l’âge médian étant de 38 ans. « Dans cette étude, les dysplasies anales se sont révélées très hétérogènes chez un même patient ce qui implique la nécessité de pratiquer plusieurs prélèvements », conclut le Dr Abramowitz. De plus, comme un tiers des patients avaient une dysplasie intracanalaire exclusive, les résultats incitent à ne pas se limiter à l’examen de la marge anale chez les sujets à haut risque et à réaliser, au moins une fois, une anuscopie pour rechercher ces dysplasies localisées uniquement en intracanalaire.
Une surveillance très codifiée.
Le traitement fait le plus souvent appel à l’ablation des lésions par bistouri électrique, sous anesthésie locale si elles sont peu nombreuses, sous anesthésie générale en cas de condylomatose étendue. On peut aussi recourir à un traitement local par imiquimod.
Le suivi doit être régulier car, chez ces patients, la récidive après un premier traitement est la règle. L’équipe du Dr Abramowitz propose un calendrier rigoureux chez les sujets opérés pour des dysplasies sévères : toutes les 6 à 8 semaines avec une nouvelle destruction en cas de récidive jusqu’à disparition complète des condylomes. Le suivi peut alors être espacé : à 3 mois puis, en l’absence de récidive, à 6 mois et à 12 mois. Si l’examen est normal à cette échéance d’un an, un nouveau contrôle sera fait à 3 ans chez les patients ayant une vie sexuelle « calme » avec un seul partenaire, plus tôt, à un an, en cas de partenaires multiples. Chez les sujets ayant des dysplasies sévères multirécidivantes, l’examen peut être complété par une anuscopie haute résolution.
« En résumé, explique le Dr Abramowitz, il faut impérativement réaliser un examen proctologique de dépistage chez tous les patients VIH+, le proposer de façon systématique aux sujets homosexuels ayant des rapports anaux, mais aussi à tous ceux ou celles qui ont des antécédents de condylomes. Enfin, il pourrait être utile chez les femmes ayant eu une dysplasie sévère du col de l’utérus. En effet, ces lésions ont en commun une cause : les papillomavirus ». D’où l’intérêt de la vaccination anti-HPV, aujourd’hui recommandée uniquement aux jeunes filles de 14 ans avec un rattrapage jusqu’à 23 ans pour celles qui n’ont pas eu de rapports sexuels ou dans l’année suivant les premiers rapports. Une large couverture vaccinale de cette population permettrait de réduire sensiblement la propagation des HPV ciblés dans les vaccins et, par conséquent, l’incidence des condylomes.
D’après un entretien avec le Dr Laurent Abramowitz, hôpital Bichat, Paris.
(1) L. Abramowitz et al. AIDES 2007, 21 : 1457-65
(2) L. Abramowitz et al. Dis Colon Rectum 2009 : 52 : 1130-36
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