LA PRÉVALENCE de l’infection à Helicobacter pylori (Hp) a diminué dans les pays occidentaux avec le dépistage et l’éradication de la bactérie. Toutefois, peu de données épidémiologiques étaient disponibles en France et pour la première fois, une étude observationnelle a été réalisée afin de mieux préciser la fréquence de l’infection à Hp, de la prise de médicaments gastrotoxiques et d’apprécier la part des ulcères idiopathiques.
Le travail, réalisé en 2009 dans 31 centres de l’Association nationale des gastro-entérologues des hôpitaux généraux (ANGH), a inclus de manière prospective 1 015 patients (dont 634 hommes) porteurs d’un ulcère gastrique ou duodénal › 5 mm ou d’une bulbite (›5 ulcères de 1 mm).
L’implication des deux principaux facteurs étiologiques que sont l’infection à Hp et la prise de médicaments gastrotoxiques (aspirine et anti-inflammatoires non stéroïdiens) a été évaluée de façon prospective.
L’infection à Hp a été recherchée par au moins deux méthodes de détection : histologie et sérologie, « dont on connaît la bonne valeur diagnostique, notamment lors d’un traitement prolongé par inhibiteur de la pompe à protons (IPP) », précise le Dr Claire Charpignon. Le statut Hp négatif nécessitait deux tests négatifs et le statut Hp positif était affirmé par une histologie positive ou deux tests positifs. La prise de médicaments gastrotoxiques, d’IPP, d’antibiotiques ainsi que les comorbidités ont été précisées le jour de l’endoscopie. Au total, quelque 935 dossiers ont pu être étudiés : 630 ulcères duodénaux ou bulbites, 360 ulcères gastriques et 189 ulcères hémorragiques.
La prise d’AINS ou d’aspirine à une posologie › 300 mg/j a été rapportée par 21 % des patients, avec une fois sur trois une prise prolongée de plus d’un mois. Dix-neuf pour cent des patients recevaient un traitement par aspirine faible dose au long cours.
Présence d’Hp dans seulement 49 % des cas.
En termes d’évaluation du statut Hp, 93 % des patients ont eu une histologie et 87 % ont eu deux tests diagnostiques. Le statut Hp était négatif avec certitude pour 39 % des patients, positif dans 49 % des cas et considéré comme douteux (tests discordants) chez 12 % des patients.
Enseignement majeur de cette étude : 21 % des patients étaient Hp négatif et n’avaient pas été exposés à des médicaments gastrotoxiques. Quelques étiologies exceptionnelles ont été retrouvées, comme une maladie de Crohn ou un cancer, mais ne rendent pas compte de ces 189 cas. « Dans un cas sur cinq, il s’agit donc d’une forme idiopathique d’ulcère. Cette augmentation de la proportion d’ulcères sans cause est également rapportée dans différentes régions du monde, notamment aux États-Unis et en Corée, mais pas en Espagne ou en Italie. Ces écarts peuvent être liés à des différences méthodologiques pour la recherche d’Hp et du traitement par AINS », précise le Dr Charpignon.
Ces ulcères idiopathiques font l’objet de plusieurs hypothèses étiopathogéniques. Si la piste infectieuse ne paraît pas la plus plausible, celle d’une hypersécrétion acide, non testée dans ce travail, suscite des recherches. De même, l’examen histologique des biopsies gastriques (absence de gastropathie) ne semble pas orienter vers la prise d’AINS « à l’insu » du médecin. Certains ont pensé qu’il s’agissait de patients plus fragiles, mais un séjour en réanimation, un accident vasculaire cérébral, une insuffisance cardiaque, une dénutrition ou une chimiothérapie n’étaient pas associés à la survenue d’un ulcère sans cause. Seule la présence d’une cirrhose est sur-représentée chez ces patients.
« Enfin, parmi les 165 patients signalant un antécédent d’ulcère, 112 (66 %) patients étaient Hp positif (ou incertain) et ce, malgré un traitement éradicateur antérieur dans 28 % des cas » expose le Dr Charpignon. « Il semble y avoir un mésusage du contrôle de l’éradication par un test respiratoire », pourtant préconisé dans les recommandations de l’AFSSAPS (1), qui stipulent que, en présence d’un ulcère associé à une infection à Hp, « le contrôle de l’éradication est réalisé par contrôle endoscopique en cas d’ulcère gastrique ou d’ulcère duodénal compliqué et par un test respiratoire dans les autres cas ».
Il faut aussi souligner que 202 patients étaient exposés aux deux facteurs de risque principaux (infection à Hp et AINS au long cours) alors que la HAS (2) recommande « le dépistage et le traitement de l’infection à Hp, en conformité avec le consensus européen Maastricht III, chez les sujets asymptomatiques recevant un traitement par AINS au long cours car ils présentent un risque accru d’ulcère gastrique ».
D’après un entretien avec le Dr Claire Charpignon, Centre hospitalier intercommunal, Villeneuve-Saint-Georges.
(1)AFSSAPS. Recommandations de bonne pratique. « Les antisécrétoires gastriques chez l’adulte ». 23/11/2007.
(2) Haute Autorité de santé. Recommandations de santé publique. « Dépistage de l’infection à Hp ». Avril 2010.
Article précédent
L’âge n’est pas une contre-indication
Article suivant
Le rôle de la microflore intestinale est mieux connu
Succès et découvertes
Le traitement médical et la chirurgie sont très efficaces
Vers une prise en charge à la carte
L’âge n’est pas une contre-indication
L’émergence d’une forme idiopathique
Le rôle de la microflore intestinale est mieux connu
Une nouvelle ère thérapeutique
Les possibilités thérapeutiques se précisent
Une avancée pour le cancer métastatique du pancréas
Pourquoi le dépistage doit être amélioré
Modifications de la place des anti-TNF
Évaluer l’état nutritionnel en préopératoire
Améliorer la rentabilité du dépistage organisé
Un recul spectaculaire de la mortalité
Une autre technique pour les tumeurs superficielles du rectum
Éloge de la diversité
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?